Pourquoi le plastique est-il si présent dans notre vie quotidienne ?
Le plastique peut être utilisé pour des applications très diverses. C’est un matériau versatile, qui peut se mettre en forme et se profiler très facilement, là où le verre, le papier ou le métal sont difficilement modelables. Même à petite échelle, on peut fabriquer des pièces en plastique de toutes sortes, fines ou épaisses, rondes ou cubiques. C’est aussi un matériau qui présente un excellent rapport poids-résistance, ce qui explique qu’on le retrouve dans l’automobile et l’aéronautique, notamment. Enfin, c’est un matériau très peu cher, grâce aux investissements importants consentis après-guerre dans la pétrochimie, qui le rendent accessible à tous.
Que représente aujourd’hui la production de plastique dans le monde ?
On produit environ 300 millions de tonnes de plastique chaque année. Et plus de la moitié de ces matières plastiques produites sont utilisées par l’agroalimentaire, notamment pour l’emballage des aliments.
C’est un choix qui a été fait pour des raisons d’hygiène, de légèreté, de praticité, mais surtout de prix, car ces emballages éphémères doivent ne pas coûter cher à produire. La première conséquence, c’est que les techniques d’emballage et de transport traditionnelles ont été remplacées et quasi oubliées. La seconde, c’est que l’essentiel de ces plastiques, à la durée d’utilisation très courte, finissent rapidement en déchets.
C’est un choix qui a été fait pour des raisons d’hygiène, de légèreté, de praticité, mais surtout de prix, car ces emballages éphémères doivent ne pas coûter cher à produire. La première conséquence, c’est que les techniques d’emballage et de transport traditionnelles ont été remplacées et quasi oubliées. La seconde, c’est que l’essentiel de ces plastiques, à la durée d’utilisation très courte, finissent rapidement en déchets.
Quels sont les effets de ces déchets plastique sur notre environnement ?
Pour mesurer la quantité de plastique rejetée, il faut avoir cette image en tête : nous consommons et jetons chaque année l’équivalent de notre poids corporel. Or ce plastique va persister bien au-delà de notre propre vie, au moins cinq à six fois la durée de notre existence. D’autant que le plastique est un matériau à densité faible, donc avec des volumes très élevés. Les effets sur l’environnement sont dramatiques. À court terme, on connaît ses effets polluants sur la faune et la flore – nous avons tous vu ces images de tortues ou de poissons piégés par des sacs plastique. Mais les risques sont encore plus importants à long terme : le plastique est un polymère qui ne se dissout pas comme le métal ou le verre, mais se dégrade en petits morceaux, microscopiques puis nanoscopiques. À cette échelle, qu’ils soient enfouis sous la terre, placés dans des réservoirs géotextiles ou immergés dans les océans, ces plastiques peuvent se diffuser et contaminer l’ensemble de notre environnement et des organismes vivants.
Quels sont les risques pour notre santé ?
Le plastique met cent à deux cents ans pour se dégrader, voire plus. Or cela fait cinquante ans que nous avons commencé à l’accumuler, soit des milliards de tonnes de plastique qui ont tout désormais d’une bombe à retardement. On peut le constater avec les plastiques déjà utilisés à une taille très faible, comme les microparticules dans les cosmétiques ou les sacs plastique de caisse très fins par exemple : l’eau potable, le sel et certains produits de la mer sont déjà contaminés par ces micro- et ces nanoplastiques. Ingérés par notre organisme, ceux-ci peuvent traverser les tissus, s’accumuler dans les organes, entraîner des phénomènes inflammatoires graves et, dans le cas d’exposition à des doses massives, provoquer des réactions chimiques difficiles à prévoir.
Quel est aujourd’hui le devenir des plastiques que nous produisons ?
On donne souvent des chiffres qui font référence au plastique collecté – or celui-ci ne recouvre qu’une partie des plastiques consommés. Aujourd’hui en Europe, environ 40 % de ces déchets sont dispersés de manière incontrôlée dans notre environnement, 30 % sont enfouis, 15 % sont incinérés et 15 % sont collectés pour être recyclés. Et sur ces 15 %, seule une petite minorité pourront être recyclés en circuit fermé, à condition d’être triés, décontaminés et repolymérisés en les mélangeant à du plastique vierge ! En réalité, seuls 4 à 5 % des plastiques que nous consommons entrent aujourd’hui effectivement dans un processus de recyclage.
Il y a une vérité qu’il ne faut jamais oublier : tous les plastiques produits termineront en déchets. Même le recyclage ne permet pas de détruire ces plastiques, il ne peut qu’assurer à certains d’entre eux d’être réutilisés une ou deux fois. Quand on recycle du métal ou du verre, on peut reproduire cette matière indéfiniment. Pour le plastique, on ne peut que retarder sa relégation au rang de déchet, et on devrait plutôt nommer décyclage cette opération. Alors, évidemment, il faut encourager le recyclage et le tri des déchets. Mais il ne faut pas non plus se leurrer : ce n’est pas parce que nous mettons notre bouteille d’eau dans le bon container que celle-ci va disparaître par magie. Et les messages du gouvernement qui vantent un avenir où tout le plastique serait recyclé ne font que retarder la vraie urgence, celle de réduire considérablement notre consommation de plastique.
L’incinération de ces déchets est-elle une mauvaise idée ?
Non, c’est une solution possible au problème du devenir des déchets plastique. Mais elle devra être mise en œuvre au sein de stations qui permettent de limiter l’émission de composés volatils toxiques, afin qu’ils ne finissent pas dans l’atmosphère. La recherche avance de ce côté-là, y compris pour transformer à terme ces émissions en carburant. Mais nous n’en sommes pas encore là, et l’incinération ne peut pas constituer le seul débouché possible, vu la diversité des plastiques concernés.
Que pensez-vous des recherches autour du « bioplastique », qui pourrait prendre le relais des plastiques traditionnels ?
Le « bioplastique » tel qu’il est présenté aujourd’hui est en général un matériau conçu à partir de ressources alimentaires pour les transformer en matières plastiques, avec les mêmes propriétés, mais aussi les mêmes problématiques en termes de déchets ! Donc l’intérêt est très limité, si ce n’est au niveau marketing. Mais la recherche, là aussi, progresse, notamment vers l’emploi de résidus non utilisés, résidus agricoles ou effluents urbains notamment, pour produire des matières plastiques qui soient à la fois biodégradables et recyclables. Et cette recherche, soutenue par l’Europe, suscite un très grand intérêt chez les industriels de l’emballage, bousculés par les dernières réglementations qui interdisent certains plastiques.
Est-ce une préoccupation uniquement européenne ?
Non, l’Europe cherche à mettre en place une stratégie de coordination avec des grands pays comme la Chine ou l’Inde. Il n’y a pas de sens à mettre en place seuls des actions de long terme pour la gestion de ces déchets, car ils ne vont s’arrêter ni à nos côtes ni à nos frontières.
Notre société connaît une forme de dépendance, voire d’addiction au plastique. Et il faut être lucide, nous ne pourrons certainement pas nous en passer entièrement. Tout comme notre organisme est capable d’ingérer une dose raisonnable d’alcool ou de tabac, notre société peut traiter une certaine quantité de plastique. Mais il faut aujourd’hui définir, au cas par cas, ce qui relève de l’indispensable afin de ne pas étouffer. Le plastique a pu incarner, au XXe siècle, une forme de modernité. Mais si la modernité doit nous pousser dans une direction qui ne nous permette pas de vivre mieux, alors il nous faut inventer une nouvelle modernité, qui sache s’affranchir en grande partie de ce matériau qui nous fera vivre de plus en plus mal. Cela passe par une taxation beaucoup plus forte des plastiques vierges, afin de faire payer leur vrai coût environnemental. Et un investissement massif de tous les acteurs de la société pour réduire notre consommation de plastique. Le plastique est aujourd’hui si peu cher, si répandu, si disponible, qu’il a perdu toute valeur à nos yeux. Apprendre à s’en passer peut nous permettre de retrouver cette notion dans nos modes de consommation.
D'après Nathalie Gontard et Julien Bisson, Le 1 - 10/09 2018