samedi 12 janvier 2019

Le lundi, on remplace le bœuf par un œuf!

Avez-vous entendu parler de l’opération « lundi sans viande »? L’initiative a été lancée par des personnalités et des ONG, et elle séduit de prime abord. 
Mais les éleveurs y voient une nouvelle stigmatisation de leur activité, alors que certaines pratiques agricoles ont des effets positifs sur l’environnement. 
On essaie de faire le point, le problème est complexe...

Le problème est complexe.
A vos réponses dans les commentaires!
d'après reporterre.net .07.01.2019 Lorène Lavocat

Le lundi, on remplace le bœuf par un œuf!
Le lundi 7 janvier, un groupe de chercheurs du CNRS et de l'INRA a lancé l’opération Lundi vert. Le principe est simple : tous les lundis, les participants, inscrits le site lundi vert seront invités à remplacer la viande et le poisson. Autrement dit, à s’essayer au végétarisme. 
Tout au long de l’année, ils devront indiquer chaque semaine s’ils poursuivent leur engagement, et recevront un accompagnement individualisé. 
Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir étudier à grande échelle — ils visent 500.000 inscrits — notre capacité au changement alimentaire.

« Il s’agit à la fois de comprendre ce qui pousse les gens à modifier leur alimentation, leurs motivations et leurs blocages, mais aussi ce qui les fait tenir dans la durée. Nous allons ainsi envoyer des messages au fil des mois, pour encourager et motiver les participants. » Après "Stop Tabac", nous aurons ainsi "Stop la Viande le Lundi!"

L'initiative a été couplée, à grand renfort médiatique, à un appel à « diminuer collectivement notre consommation de chair animale », signé par 500 personnalités, principalement des scientifiques, mais également quelques têtes d’affiche, comme les actrices Isabelle Adjani, Juliette Binoche et Cécile de France, les animateurs Stéphane Bern et Frédéric Lopez, ou le photographe Yann Arthus-Bertrand.
Le but de cet appel relayé sur le site lundi vert: « La sauvegarde de la planète, la santé des personnes, le respect de la vie animale » 

« C’est une opération de communication et de sensibilisation, résume Greenpeace France, l’une des ONG signataires de l’appel. L’idée est de rappeler qu’un changement dans les comportements alimentaires est possible et indispensable. Et de combattre les nombreuses idées reçues sur le végétarisme à coup de pédagogie. »

D'après Greenpeace, le frein principal à la transition alimentaire provient d’une « méconnaissance de l’enjeu ». « La plupart des gens ne savent pas que lorsqu’ils consomment de manière excessive de la viande, ils participent indirectement à la déforestation », explique-t-on, en soulignant également un problème culturel: « Notre surconsommation de produits carnés est assez récente. Il y a une cinquantaine d’années, nous mangions un tiers de protéines animales et deux tiers de végétales. Depuis, le ratio s’est inversé, la viande est devenue un produit de consommation du quotidien, un signe d’abondance, de progrès ». Résultat, l’un des obstacles pour passer au végétarisme, c’est qu’on ne sait plus cuisiner sans viande…

Pour tenter d’inverser à nouveau la balance protéique, l’appel détaille donc, dans un texte élaboré par des associatifs et des scientifiques, trois « raisons impératives » de réduire notre consommation de viande : « La sauvegarde de la planète, la santé des personnes, le respect de la vie animale. »

Sauvegarde de la planète

Les auteurs de l'appel rappellent que « pour produire une seule calorie de viande il faut 4 à 11 calories végétales » et près de vingt fois plus d’eau, et que « 85 % des surfaces déboisées de la forêt d’Amérique du Sud ont été dédiées à l’élevage ». L’élevage contribuerait ainsi à 14,5 % des émissions totales des gaz à effets de serre. « Si on veut rester sous les 2 °C de réchauffement, il s’agit de réduire la consommation de protéines animales de 50% d’ici 2050 au niveau mondial. Mais en Europe, où nous sommes de gros consommateurs, il nous faudra manger cinq fois moins de viande qu’aujourd’hui." 


Déforestation illégale dans le Mato Grosso (Amazonie)
 pour faire place à l'élevage bovin - source Greenpeace
Cependant, toutes les agricultures ne se valent pas : les élevages traditionnels ont un effet moindre sur l’environnement et le climat que les élevages intensifs hors-sol. De plus les prairies peuvent être d’importants puits de carbone. Et les bêtes vont bien souvent se nourrir dans des endroits inaccessibles, où il serait impossible de cultiver des végétaux.

Effet sur la santé

Non seulement « la viande n’est absolument pas indispensable à l’équilibre alimentaire », pouvant être remplacée par des protéines végétales, mais elle serait facteur — à haute dose — de cancer, maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité. « Les Français consommant près de 100 g de viande chaque jour augmentent de 30 % leur probabilité de développer un cancer en comparaison à ceux qui se limitent à 40 g en moyenne »,décrit ainsi le texte de l’appel.

Respect de la vie animale

« En France, 99 % des lapins, 95 % des cochons, 90 % des veaux et 82 % des poulets de chair sont élevés hors-sol de manière intensive, c’est-à-dire qu’ils sont confinés dans des cages ou des bâtiments fermés afin de les engraisser et les maintenir en vie jusqu’à leur abattage précoce », peut-on lire sur le site Lundi vert. 
Et dans le cas de la pêche au chalut, « d’immenses filets en forme d’entonnoir capturent tous les animaux qui s’y amassent, mêlés à divers débris. Déversés sur de la glace, ils y agonisent asphyxiés, écrasés par les autres poissons ou meurent par éclatement de leurs organes internes à cause de la décompression».

On est bien d'accord sur ces arguments, mais ils oublient une vérité de taille: «Jamais cet appel ne pointe du doigt la responsabilité des industriels et des distributeurs » 

Colère de la Confédération Paysanne:

« Cet appel est une preuve supplémentaire de l’insupportable stigmatisation vécue par les éleveurs et les éleveuses qui produisent chaque jour pour vivre de leur travail, écrit la Confédération Paysanne dans un communiqué. Jamais cet appel ne pointe du doigt la responsabilité des industriels et des distributeurs qui, dans leur course aux prix bas, empêchent la généralisation des pratiques d’élevage les plus vertueuses. Jamais cet appel ne souligne les bienfaits de l’élevage paysan pour l’environnement, le respect des animaux et le dynamisme des territoires. Jamais cet appel n’évoque que de nombreuses terres agricoles (estives, alpages, prairies permanentes) ne peuvent être valorisées que par l’élevage extensif. »

L
Au CNRS et à l'INRA, on se défend de « toute attaque » contre les éleveurs. «Même s’il ne l’indique pas clairement, l’appel promeut l’idée qu’on peut consommer moins de viande, mais de meilleure qualité en matières environnementale et de bien-être animal, argumente-t-on. Il y a plusieurs manières de consommer et de produire de la viande, et les modes industriels sont clairement ceux à réduire prioritairement. »

Nulle part sur le site lundi vert nous n'avons trouvé d'incitation en ce sens! Dommage, bien dommage!

Les chèvres, comme ici en Ardèche,
aident à maintenir ouverts des espaces non cultivables.
Quant à elle, l’Association végétarienne de France (AVF), se dit plus réservée sur les conséquences d’une telle démarche : « Un jour végétarien par semaine, ce n’est pas suffisant, estime-t-elle. C’est un pas dans la bonne direction, mais il s’agit de diviser par cinq voire par dix notre consommation collective de viande, donc cela passera par des politiques publiques. Il nous faut des objectifs nationaux de réduction de la consommation de viande, comme on en a pour les émissions de CO2. »
Mais c’est justement de ce côté-là que ça coince, car « les lobbys de la viande et du lait sont très puissants auprès des parlementaires et du gouvernement ».

Un repas végétarien par semaine dans les cantines, le lundi?

À l’occasion de la loi sur l’agriculture et l’alimentation, votée le 2 octobre 2018, les associations sont tout de même parvenues à faire adopter une expérimentation pendant deux ans d’un repas végétarien par semaine dans les cantines.
« C’est une grande victoire, estime l'AVF. Car les volumes concernés — toutes les cantines scolaires de France — sont énormes, et rien ne se fera sans un changement des mentalités qui passe par l’éducation des plus jeunes. » 
Autre levier à activer : la politique agricole commune (PAC), au niveau européen. « La prochaine PAC, qui est actuellement en négociation, doit subventionner davantage les élevages écologiques et la production de protéines végétales », soutient Greenpeace.

En attendant, un lundi de nourriture allégée après les agapes familiales du dimanche ne peut faire de mal à personne. On commence tout de suite? 
Mais attention, si vous remplacez la viande ou le poisson par des œufs, prenez des œufs bio, pondus par des poules ayant couru en liberté!

On attend vos commentaires pour la réponse!

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