samedi 29 juin 2019

Le foot féminin en France, du machisme à la reconnaissance !



Les Bleues sélectionnées pour la coupe du monde (photo Eurosport)

Organisée pour la première fois en France, la Coupe du monde féminine se tient depuis le 7 juin et ce jusqu'au 7 juillet prochain. Cette coupe du monde s'impose comme une belle vitrine pour les féminines du monte entier.
A cette occasion, retour sur la longue marche du football féminin français.
Dans l’histoire, les premières traces écrites de la pratique du football par des femmes en France datent de 1910.
D'après Chloé Ronchin - CNews 24/05/2019
UNE LENTE RECONNAISSANCE

Longtemps dépendante de l’histoire sociale et culturelle, l’évolution du football féminin a connu une progression lente et difficile. Tandis que les femmes s’aventurent dans la pratique du football dès la fin du XIXème siècle en Angleterre, cette expérience s’est développée plus tardivement en France.

C’est en Ecosse plus précisément que s’est déroulé le premier match de football féminin, le 7 mai 1881. En France, le Femina Sport, club pionnier du football féminin, voit le jour plus de 30 ans plus tard en 1912. Il faut encore 5 ans pour que la France organise le tout premier match de football féminin entre deux équipes du Femina Sport, le 30 septembre 1917, en pleine guerre. Le rôle décisionnel important joué par les femmes dans la vie quotidienne pendant que les hommes étaient au front, n'y est pas pour rien. 

La dynamique se poursuit après la première guerre mondiale. La Fédération des sociétés féminines sportives de France organise le premier championnat de France de football féminin (FSSFS) en 1919. A l’époque, cet événement a fait la Une du «Petit Journal».

UN SPORT DE TRADITION MASCULINE

A partir de là, des associations féminines s'implantent alors dans tout l’Hexagone, principalement dans les villes du nord, à Rouen, Quevilly ou Reims, et, à un degré moindre, dans le sud, notamment à Nice ou Toulouse. Mais le football reste un territoire sexué peu féminisé.

En France, le football féminin a connu une première période favorable à son essor durant l’entre-deux-guerres. A cette époque, il se légitime petit à petit et se fait connaître dans la région parisienne, principalement au sein des milieux populaires. Cependant, cette discipline fait l’objet de réticences de la part des journalistes et des joueurs dès 1920.
Les joueuses  de l'équipe du Femina Sport, 1920. Wikicommons

Le Championnat de France féminin s’arrête même en 1933. Alors que le régime de Vichy était plutôt favorable au sport féminin, il «interdit vigoureusement» la pratique du foot féminin en 1941, jugée «nocive pour les femmes». Après la 2ème guerre mondiale, le foot féminin stagne.

UN TOURNANT DANS LES ANNÉES 1960

Il a fallu attendre les années 1960 pour que le football féminin connaisse un premier développement, en corrélation avec le contexte culturel et social de la condition féminine à l’époque. Comme toute pratique sociale, le football féminin accompagne les transformations des rapports hommes/femmes dans la société.

C’est à ce moment-là que la femme devient l’égal juridique de l’homme dans le couple, que la contraception est légalisée en France, et aussi que les événements de mai-juin 1968 bouleversent le pays.

Avec cette crise, les femmes de mai 1968 rompent cette image de mères et gardiennes de foyers, et revendiquent le droit de disposer librement de leur corps. Cette période a marqué une rupture avec les codes sexuées de la société, tout en encourageant la pratique du foot féminin.

SUR LE TERRAIN DE LA RECONNAISSANCE

En 1965, une équipe de footballeuses se forme à Humbécourt, dans la Haute-Marne pour affronter l’équipe des pompiers du village. Le match se rejouera chaque année.
A l’issue du premier match, les femmes l’emportent et c'est ainsi que la région Champagne-Ardenne est devenue le berceau de la renaissance du football féminin.

C’est en 1968 que le Football Club féminin de Reims voit le jour suite à une annonce dans le quotidien «L’Union» : «Recherche des candidates footballeuses motivées», mentionnait-il. Les nouvelles recrues s’imposent devant plus de 6000 spectateurs, et remettent ça dès le lendemain lors de la kermesse de «L’Union», avec encore une victoire à la clé.
photo AFP F. Nascembi

Pendant 10 ans, l’équipe de Reims va faire le tour du monde, en Asie, aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique pour promouvoir ce sport.

LE SOUTIEN DES INSTITUTIONS

Le dynamisme affiché par le football féminin au tournant des années 1960 et 1970  attire l'attention des institutions et les encourage à réagir.

La Fédération Française de Football (FFF) intègre le football féminin et reconnait cette discipline le 28 mars 1970, tout comme l'Union of European Football Associations (UEFA) un an après, le 20 mars 1971.

Dès lors, le foot féminin se dote peu à peu des mêmes règlements et des mêmes compétitions que les hommes, comme la Coupe du monde. 
La première édition officielle de la Coupe du monde féminine s’est déroulée en 1991 en Chine, soit plus de vingt ans après la reconnaissance du football féminin.

UNE NOUVELLE PAGE À ÉCRIRE LORS DE LA COUPE DU MONDE 2019

Si leurs homologues masculins ont ajouté une deuxième étoile à leur maillot, la sélection féminine n’a pas encore ouvert son compteur au niveau international. 

Leur meilleur performance remonte à 2011. Cette année-là, la France se qualifie pour les demi-finales en éliminant l'Angleterre 4 tirs au but à 3 (1-1 a.p.) en quarts de finale.
En demi-finale, les Bleues sont éliminées par les États-Unis qui s'imposent 3 buts à 1 avant de subir une nouvelle défaite lors de la petite finale en s'inclinant 2 buts à 1 contre la Suède.

Emmenée par l’ancien entraîneur du Paris Saint-Germain Philippe Bergeroo, la sélection tricolore est allée jusqu’en quart de finale contre l’Allemagne en 2015. Une contre-performance qui est venue s’ajouter à d’autres quarts de finale perdus : Euro 2009, 2013 et 2017.

Cette année, incarnées par l’Olympique Lyonnais (Sarah Bouhaddi, Amandine Henry, Eugénie Le Sommer, Wendie Renard, …) - qui collectionne les trophées - les Bleues, entraînées par Jean-Luc Vasseur, ont une nouvelle fois atteint les quarts de finale contre les Etats-Unis (1-2).
Elles ont lancé leur campagne le 7 juin au Parc des Princes (Paris) contre la Corée du Sud avant d'enchaîner par deux rencontres face à la Norvège et au Nigeria, puis le  Brésil. Mais vous connaissez tout cela par cœur... La belle aventure du Mondial 2019 s'arrête le 28 juin pour les Bleues, mais grâce à elles le foot féminin français va connaître un bel essor.

Nul doute que l'USOL Foot comptera bientôt des équipes de filles...




samedi 22 juin 2019

Conseil municipal du 17 juin: "On va s'y retrouver, vous allez voir!"

Cette citation du maire, résolument optimiste et rassurante  prononcée au moment du vote des subventions aux associations, pourrait s'appliquer à l'ensemble des délibérations du Conseil municipal du 17 juin!



Plan Local d'Urbanisme: 
Le Conseil municipal a approuvé la mise à disposition au public de la première modification simplifiée du PLU. Le public pourra prendre connaissance du dossier  en mairie du 2 septembre au 2 octobre prochains et apporter ses remarques. Nous vous en dévoilons les grandes lignes:

- la zone de la Maletière est concerné par une Opération d'Aménagement et de Programmation (OAP) imposant un minimum de construction de 121 logements répartis entre logements collectifs et logements individuels groupés, et ceci dans un cadre spatial rigide. Or, le projet du bailleur social retenu pour l'aménagement du quartier de la Déserte, la société ARCADE, nécessite de sortir du cadre spatial rigide et de mixer davantage les logements collectifs et individuels. Ce qui sera possible avec cette modification du PLU.

La zone de l'OAP de la Maletière est en pointillés. Elle englobe le site de la Déserte.

- pour répondre aux obligations de la loi SRU qui impose aux communes un minimum de 25% de logements sociaux par rapport aux résidences principales, Vaugneray s'était fixé un seuil de 30% de logements sociaux pour tout programme de logements d'au moins 3 logements, dans l'espoir de rattraper son retard. Avec cette modification du PLU, le seuil sera de 33%, le résultat de l'application du pourcentage étant arrondi au nombre entier supérieur.

- l'obligation de production de logements sociaux sera intégrée dès le cadre du lotissement, permis d'aménager ou déclaration préalable, même s'il n'y a pas de projet de construction à ce moment-là. Ceci pour éviter que des divisions parcellaires successives permettent d'échapper à la règle de production de logements sociaux (33% de logements sociaux pour tout programme d'au moins 3 logements).
Unanimité du Conseil municipal pour ces modifications importantes du PLU.

Quartier la Déserte: 
- dans la continuité de la modification du PLU détaillée ci-dessus, le Conseil municipal a approuvé la convention à passer avec l'EPORA, l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Lyonnais, acquéreur des parcelles qui accueilleront le projet de la société ARCADE. Ce projet prévoit la réalisation de 75 logements, 49 logements locatifs sociaux purs, et 26 logements locatifs sociaux en accession à la propriété. L'EPORA a acquis le foncier au prix de
2 586 000€, elle le cède à ARCADE pour 2 600 000€, il n'y a donc pas lieu de prévoir une participation de la commune, sauf en cas de défaillance d'ARCADE dans la réalisation du projet, ce qui semble peu probable. Unanimité des votes. 

- approbation de la vente entre l'EPORA et ARCADE pour les montants précisés ci-dessus. Unanimité des votes. Un nouveau quartier va donc surgir dans les années qui viennent, souhaitons lui un bel épanouissement!

Élargissement de la rue du Recret à hauteur du n°12 bis, par l'achat d'une bande de terrain de 55 m² au prix de 24€ le m²: Unanimité des votes.

Rue du Recret: zone concernée par l'élargissement
Location de la cuisine du restaurant scolaire à la Société Newrest pendant les vacances d'été : C'est une nécessité pour Newrest qui assure les 300 repas quotidiens du Centre aéré, et ne dispose pas cette année de la cuisine du collège Saint- Sébastien, en rénovation. Le tarif de location sera de 54 centimes par repas confectionné dans la cuisine municipale.

Subventions aux associations :
Certes, le tableau Excel sur lequel nous avons travaillé a souffert de quelques décalages de lignes et colonnes, mais comme dit le maire, "On va s'y retrouver, vous allez voir!" Là n'est pas le plus important. 

Comme chaque année nous constatons flou et manque de rigueur dans l'instruction et la présentation des dossiers. Ceci contribue à ce que les conseillers discutent sans fin sur l'attribution de quelques centaines voire dizaines d'euros...
En vrac, car nous allons sûrement en oublier: 
1000 euros à Clair Matin pour la rénovation de la salle des familles, 
3500 euros à l'OGEC  primaire pour des classes découvertes, 
1000 euros au Chardonnet pour un aménagement du parc, 
2000 euros à l'association du restaurant scolaire pour des animations, 
400 euros à l'ABAPA pour former des bénévoles à visiter les personnes âgées,
1000 euros à Temps et Partage pour la chorale, 
2500 euros au Twirling Bâton, 
500 euros à l'USOL danse, 
20 363 euros à l'USOL général (par convention), 
2000 euros à l'USOL général pour son cinquantenaire, 
4000 euros à la batterie-fanfare, 
3000 euros au Comité des fêtes, 3500 euros à l'association musicale, 
300 euros au Théâtre du Jardin... 
Toutes les subventions ont été votées à l'unanimité des présents, les conseillers ayant des responsabilités au sein d'associations concernées devant chaque fois quitter la salle.

Extension de l'école du centre: 
- le désamiantage est indispensable avant d'entamer la démolition proprement dite. Ce marché a été attribué à l'entreprise BAJAT DECONSTRUCTION (Isère) pour 46 400€ HT. Les travaux démarreront dans la deuxième quinzaine de juillet. 
Nous avons appris à cette occasion que les déchets seront probablement enfouis à Roche-la-Molière dans la Loire, et que la responsabilité du producteur de déchets -la commune de Vaugneray en l'occurence- est engagée quasi indéfiniment (jusqu’à l'élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers selon l'article L541-2 du Code de l'environnement). Délibération votée à l'unanimité.
- demande de subvention à la Région pour l'extension de l'école pour un montant estimé de 80 000 €. Rappelons que le coût de l'opération est de 
792 500€ HT. Vote à l'unanimité. Précisons que cette demande nécessite une modification du contrat Ambition Région qui inclut la CCVL: on retire provisoirement  du contrat l'opération de mise en valeur du Clos des Visitandines pour y inscrire l'extension de l'école à la place. Cela nécessitera une délibération concordante de la CCVL.

Police municipale: la convention qui nous fait partager un policier municipal à mi-temps avec Pollionnay est renouvelée pour 3 ans à compter du 26 juillet 2019. Vote à l'unanimité.

Le meilleur pour la fin:

Transports: 
En 2018 le maire a souhaité équiper les trois navettes communales de "valideurs" permettant de lutter contre la fraude et de décompter les voyageurs, pour un montant de 14 760€ TTC. En avril 2018 le Conseil municipal a donc présenté un dossier de subvention à l'Etat au titre du produit des amendes de police destiné à lutter contre l'insécurité routière. Les conseillers Union Pour l'Avenir se sont opposés à cette demande de subvention à l'Etat, car il y avait des dossiers plus urgents en matière de sécurité routière... 
Or cette demande de subvention n'a pas été suivie d'effet car...
... il s'avère que le SYTRAL fournit et installe gracieusement les  valideurs! 
Seuls les coûts d'installation des logiciels et les licences d'exploitation sont à la charge des communes (environ 2000€ HT par véhicule)!

Conséquences: 
1 - il faut maintenant conclure une convention avec le SYTRAL pour la fourniture et la pose des valideurs, objet du vote demandé aux Conseillers municipaux ce 17 juin. Les 5 conseillers municipaux d'Union Pour l'Avenir se sont abstenus évidemment!
2 - il faudra re-délibérer pour "ajuster" la demande de subvention au titre des amendes de police 2018 afin de ne pas trop y perdre, car la dépense atteindra péniblement la moitié de ce qui était prévu en 2018... 
Rappelons qu'en 2018 d'autres projets relatifs à la sécurité routière étaient subventionnables! Encore une fois, la précipitation, le manque d'analyse,  et la certitude d'être dans le vrai en matière de transports en commun ont frappé!

Remblais:
Par décisions du 6 juin 2019 le Tribunal administratif de Lyon a débouté l'Etat et la commune de Vaugneray de leurs actions contre le sieur Couturier, la déclaration préalable de travaux pour les remblais de la Girardière ayant finalement été considérée comme tacite. La commune est condamnée à verser une indemnité de 1400 euros au sieur Couturier...

TA Lyon 2ème Chambre n°1802353 du 6 juin 2019
TA Lyon 2ème Chambre n°1804299 du 6 juin 2019

Le maire refuse de faire appel du jugement, ayant peur d'être à nouveau condamné à verser une indemnité... Ou bien pense-t-il en avoir fini à peu de frais avec ces dossiers qui empoisonnent la commune?  Nous vous laissons juges de la réponse.

Premiers remblais à la Girardière, été 2016 (photo T.Brugnot)

samedi 15 juin 2019

Faut-il en finir avec l'homéopathie? Et avec les laboratoires Boiron à Messimy?

Sasie par la ministre Agnès Buzyn, la Haute Autorité de Santé est chargée de trancher la question du déremboursement de l'homéopathie. Cette décision vient raviver un débat de deux siècles sur l'efficacité des thérapies alternatives à la médecine classique. Si certains médecins, à l'instar des membres du collectif Fakemed, assimilent ces pratiques à du charlatanisme, d'autres au contraire, défendent leur non-toxicité et leurs succès, fussent-ils dus à un effet placebo.

Nous nous inspirons donc aujourd'hui d'un article du "1" du 10 juin (L. Greisamer), abordant une question de société qui touche chacun d'entre nous: Pour ou Contre l'homéopathie ?

Quels sont les arguments des partisans de l’homéopathie ? 
Et pour quelles raisons certains attaquent-ils cette discipline ? 


Voici deux médecins aux avis très divergents, qui répondent aux mêmes questions: 
POUR l'homéopathie : Charles Bentz, généraliste pratiquant l'homéopathie en Alsace, président du syndicat national des médecins homéopathes, et 
CONTRE l'homéopathie: Benoît Viault, médecin urgentiste au CHU de Toulouse et membre du Collectif Fakemed demandant le déremboursement des médicaments homéopathiques.

Pour quelle raison le débat sur l’homéopathie resurgit-il aujourd’hui ?

Charles Bentz : Vous savez, des polémiques sur l’homéopathie, cela fait deux cents ans qu’il y en a. Dès l’origine ou presque, il y a eu de fortes contestations dans plusieurs pays européens. Au début du XIXe siècle, il y avait déjà eu un débat en France entre l’Académie de médecine et les tenants de l’homéopathie. Mais à l’époque, il y avait un ministre de l’Instruction publique compétent, M. François Guizot, qui avait pris une position relativement sage en déclarant que si l’homéopathie était une chimère, elle disparaîtrait d’elle-même et que, si ce n’était pas le cas, elle perdurerait. 
Nous avons été surpris par la tribune des 124 signataires de la pétition du collectif Fakemed qui s’insurgeait contre la pratique de l’homéopathie et du remboursement de cette thérapeutique. D’autres thérapies naturelles étaient visées, mais le débat s’est cristallisé sur l’homéopathie. 
Benoît Viault : Il n’y a pas eu un fait déclencheur unique. Au fil du temps, des médecins constataient que des patients qu’ils recevaient avaient fait l’objet d’erreurs de diagnostic ou d’erreurs thérapeutiques en lien avec l’homéopathie et avec d’autres médecines alternatives. Nous en parlions entre nous, puis le débat a eu lieu sur Twitter. À partir de ce moment-là, l’un des médecins a été contacté par Le Figaro pour écrire une tribune. Ce texte, signé au départ par 124 professionnels de la santé, a été rédigé de façon collaborative. Tout le débat sur l’homéopathie et le déremboursement est parti de cette tribune de mars 2018.

Comment expliquez-vous que ce débat ait lieu entre médecins sous la forme d’une violente querelle ?

Charles Bentz : On ne sait pas trop quelle est l’origine de cette poussée de fièvre. Les signataires de la pétition des 124 médecins ou professionnels de la santé sont pour l’essentiel de jeunes médecins qui sortent de la faculté. Ils sont pétris de certitudes et pensent que la médecine, c’est une fois pour toutes une vérité et que cette vérité ne bougera jamais. À l’inverse, avec quarante ans d’exercice de la médecine derrière moi, je peux vous certifier qu’il y a beaucoup de choses que j’avais apprises à la faculté de médecine qui ne sont plus vraies aujourd’hui. Ensuite, les réseaux sociaux ont amplifié ce phénomène.
Benoît Viault : Nous avons tous le même diplôme, mais la médecine fondée sur des preuves (evidence-based medicine) prend, me semble-t-il, de plus en plus d’importance au sein de la profession. Elle s’est imposée comme une référence. Or, clairement, l’homéopathie ne peut faire état d’aucune étude qui montre son efficacité. À partir de là, il nous semble aberrant que cela reste une thérapeutique remboursée alors que plein d’autres prises en charge, qui elles sont validées scientifiquement – on peut citer la psychomotricité, les consultations de diététique pour des patients diabétiques, par exemple, ou encore les consultations en psychologie –, ne sont pas remboursées et restent à la charge des patients. Voilà ce qui nous semble aberrant : continuer à rembourser des médicaments dont on sait qu’ils ne possèdent aucune efficacité au-delà d’un effet placebo alors que d’autres soins sont nécessaires.
Il ne s’agit pas d’une querelle entre les anciens et les jeunes, mais entre deux visions antagonistes de la médecine.

Quel est votre principal argument contre ou en faveur de la médecine homéopathique ?

Charles Bentz : C’est une thérapeutique efficace. On le constate tous les jours ! Les médecins qui prescrivent des médicaments homéopathiques l’observent – pas seulement les médecins homéopathes, mais des chirurgiens, des oncologues qui l’utilisent en soins de support, des sages-femmes… Tous ces professionnels constatent les effets bénéfiques de l’homéopathie. Cette médecine est efficace, et j’ajouterai qu’elle ne provoque pas d’effets secondaires, ce qui est fondamental. Les adversaires de l’homéopathie se fondent sur des rapports biaisés qui évaluent cette discipline en fonction de critères qui ne sont pas les siens. L’homéopathie repose sur une conception totalement différente de celle de la médecine conventionnelle classique.
Benoît Viault : Notre argument contre l’homéopathie est de nature scientifique : l’homéopathie dispose-t-elle d’études en double aveugle, menées selon tous les critères scientifiques, sans conflit d’intérêts, qui prouvent que cette discipline a une efficacité ? Pour l’instant, la réponse est non. Les études qu’on nous montre ne sont pas probantes, comparent des groupes de population différents. Le fait que 60 ou 80 % des Français aient déjà eu recours à l’homéopathie, par exemple, n’est pas un argument scientifique. C’est un argument émotionnel !
L’homéopathie fonctionne comme un placebo. Si je donne à un patient une gélule qui ne contient absolument rien, j’obtiendrai des effets. Tout cela est connu. On sait que l’effet placebo, l’effet contextuel, est efficace. La question est de savoir si l’homéopathie a des effets propres plus importants que cet effet placebo. La réponse est négative. Encore une fois, le but n’est absolument pas d’interdire la pratique de l’homéopathie, mais de la séparer de l’exercice de la médecine. Si des patients se sentent mieux en allant voir un homéopathe et en prenant des granules de sucre ou en soignant leur neurasthénie en mangeant du chocolat parce que cela leur fait du bien, cela ne me pose aucun problème. 

La pétition du collectif Fakemed traite les médecins qui recourent à l’homéopathie de charlatans et demande, outre le déremboursement de ces produits, que ceux qui les prescrivent soient radiés de l’Ordre des médecins…

Charles Bentz : C’est la raison qui nous a conduits à porter plainte contre les signataires, enfin ceux qui ont eu le courage de s’identifier, car une bonne moitié d’entre eux se sont abrités derrière des pseudos. Le texte est d’une grande violence. Une étude toute récente montre qu’il y a 50 % des médecins qui prescrivent régulièrement des médicaments homéopathiques. Cela revient à dire que 50 % des médecins sont des charlatans?
Benoît Viault : Les termes choisis sont ceux du Code de déontologie médicale. Le charlatanisme est décrit dans le Code, la tromperie également. Nous ne demandons pas la radiation de nos confrères. Nous demandons simplement que leur activité d’homéopathes soit séparée de leur activité médicale. Il n’y a pas de raison que la consultation d’un médecin généraliste pratiquant l’homéopathie soit remboursée alors que ce qu’il pratique ne rentre pas dans le cadre de l’exercice de la médecine. S’il souhaite pratiquer l’homéopathie exclusive, pourquoi pas, mais pas dans un cadre médical. Il ne faut pas de confusion. Le fait d’être médecin implique un certain nombre de responsabilités. 
Que répondez-vous à ceux qui disent que l’homéopathie produit un effet placebo et n’entraîne aucun effet secondaire, contrairement à la pharmacopée habituelle?
Charles Bentz : L’effet placebo existe quel que soit l’acte thérapeutique et, dans le cas de l’homéopathie, ni plus ni moins qu’avec aucun autre traitement. Parfois, lorsqu’une première prescription s’est révélée inefficace, il arrive qu’on réexamine le cas et que l’on aboutisse à une seconde prescription efficace. Si c’est le résultat d’un effet placebo, pourquoi donc celui-ci n’aurait-il pas eu lieu dans la première situation ? Et que dire de l’efficacité remarquable des traitements homéopathiques chez les nourrissons, les animaux et même sur des élevages entiers ? Je pense à ses patients qui nous disent : « Docteur, je ne croyais pas à vos granules, mais je constate que c’est efficace », etc., etc.

Le médicament homéopathique stimule l’organisme dans le sens de la guérison, alors que les médicaments chimiques s’opposent à une maladie et présentent une marge très étroite entre l’effet thérapeutique et l’effet toxique. En homéopathie, un médicament est efficace ou non, mais jamais toxique.
Benoît Viault : Effectivement, on ne peut pas parler d’effets secondaires puisque, physiquement parlant, il n’y a absolument rien dans les granules d’homéopathie. Il n’y a pas de mémoire de l’eau, le principe a été infirmé un certain nombre de fois. En revanche, l’homéopathie entraîne des retards de diagnostic. Des études montrent que les patients atteints de cancer ont une survie moindre, puisqu’ils tardent à être bien diagnostiqués. Ce n’est pas un effet direct de l’homéopathie, mais cela reste une mise en danger.
Entre le déremboursement et la suppression de l’enseignement dans les universités demandés par la pétition, qu’est-ce qui vous semble le plus important ?
Charles Bentz : Les deux choses se tiennent. Le remboursement est une garantie pour la sécurité des patients. Ces derniers doivent passer par la « case médecin » pour que celui-ci, au cours de sa consultation, évalue si l’homéopathie est indiquée ou non dans son cas précis. Le déremboursement peut conduire ces personnes à consulter des non-médecins et, du coup, à ne pas bénéficier d’un bon diagnostic. Bref, vous vous privez de ce moment important où le médecin qui pratique l’homéopathie signale à son patient qu’il lui faut pour une fois recourir à la médecine conventionnelle. Seul un médecin peut le diagnostiquer. Un naturopathe, un magnétiseur, non. C’est le premier élément, sachant que les médicaments sont remboursés à hauteur de 30 % en France avec une exception en Alsace-Moselle où le remboursement s’élève à 90 %. Et l’Assurance maladie en Alsace-Moselle est excédentaire, contrairement à l’Assurance maladie nationale. CQFD !
 Mais pour avoir des médecins compétents, il faut un enseignement de qualité. Seul un enseignement universitaire peut le garantir en informant tous les jeunes externes de ce qu’est l’homéopathie et en permettant à ceux qui veulent acquérir les connaissances nécessaires pour l’exercer de recevoir une formation de qualité. L’année dernière, le doyen de la faculté de médecine de Lille a suspendu sans aucune concertation cet enseignement, mais d’autres universités l’ont maintenu, comme à Strasbourg. Et les universités de Lyon, de Reims et de Brest viennent de s’associer pour mettre en place un nouveau diplôme interuniversitaire de thérapeutique homéopathique. Vous avez aussi des écoles privées qui dispensent un très bon enseignement. 

Benoît Viault : C’est un ensemble. L’université est là pour former des médecins à une médecine dont on connaît l’efficacité. Notre objectif n’est pas de proposer aux patients des trucs et des machins, mais des médicaments efficaces. C’est la même chose pour le déremboursement. La solidarité nationale doit rembourser des médicaments et des prises en charge efficaces pour la santé des patients. À partir du moment où l’homéopathie est déremboursée, il sera acté qu’elle n’a pas sa place en médecine et donc dans les universités de médecine.
Une pluralité de médecines ou une médecine unique, n’est-ce pas le choix qui nous est proposé ?
Charles Bentz : On veut nous amener à une standardisation de la prise en charge thérapeutique des patients. Pour nous, la médecine est une mais avec plusieurs abords thérapeutiques. Je suis le premier à dire que la médecine classique a fait d’énormes progrès dans beaucoup de domaines depuis que j’ai fait mes études. Mais nous allons aussi vers de grands problèmes comme l’antibiorésistance. Nous savons que d’ici une dizaine d’années, il y aura plus de morts liés à l’antibiorésistance qu’aux cancers. Abuser des antibiotiques parce que nous n’avons pas d’alternative thérapeutique est très préjudiciable. Or je constate qu’un médecin qui pratique l’homéopathie utilise beaucoup moins d’antibiotiques que ses confrères, alors qu’il est confronté aux mêmes malades. 
Benoît Viault : Encore une fois, si les patients ont telle ou telle croyance, je ne peux en rien m’y opposer. S’ils croient aux forces de la nature et préfèrent aller voir un druide, cela ne me dérange pas.
Simplement, on a une médecine scientifique d’un côté – dont on sait et dont on prouve qu’elle est efficace et qu’elle peut se remettre en question – et des pratiques alternatives qui ne doivent pas être des composantes de la médecine.
Considérez-vous que le coût financier, modeste, de l’homéopathie mérite un tel débat ?
Charles Bentz : C’est en tout cas un coût très limité. De mémoire, le remboursement des médicaments représente environ 125 millions d’euros, soit 0,7 % des remboursements de médicaments et préparations versés par la Sécurité sociale. Au terme d’une étude, des économistes ont indiqué que si l’homéopathie était déremboursée et que 10 à 20 % des patients se reportaient sur des médicaments remboursés, le gain serait nul. En réalité, c’est un transfert qui risque fort d’être plus coûteux en raison du prix plus élevé de la pharmacopée classique, sans parler des effets secondaires éventuellement induits par ces médicaments.
Benoît Viault : Même moins de 1 %, sur un tel budget, cela représente des sommes importantes. Cela permettrait de rembourser des prises en charge qui, elles, seraient adaptées. Au-delà de cette somme, il y a toutes ces consultations qui sont aussi remboursées et des consultations hospitalières également. Toutes ces dépenses pourraient être mieux orientées.
La situation vous semble-t-elle identique dans les autres pays ?
Charles Bentz : Oui. Même en Allemagne où l’homéopathie est très utilisée, il y a ce débat entre les scientistes purs et durs et les médecins qui utilisent l’homéopathie. Mais cela n’a pas les mêmes conséquences dans la mesure où le système assurantiel n’est pas le même – les médicaments ne sont pas remboursés par l’assurance obligatoire, mais par des caisses privées. Le débat en Suisse a eu lieu. Des études ont été menées durant deux ou trois ans avec des conclusions positives en faveur de l’homéopathie et des médecines alternatives. De ce fait, ces thérapeutiques sont reconnues officiellement et prises en charge au même titre que les thérapeutiques conventionnelles. En Grande-Bretagne, notre discipline n’est pas remboursée. Elle a aussi essuyé de graves critiques. En Italie, il n’y a jamais eu de remboursement des médicaments homéopathiques. Dans aucun de ces pays, en tout cas, la consultation homéopathique n’a été remise en question.
Pour moi, on ne devrait jamais opposer une thérapeutique à une autre. Toutes peuvent être utiles à un moment donné pour un patient donné. Il faudrait jouer la complémentarité, comme je le fais tous les jours en prescrivant aussi des médicaments conventionnels. Vous savez, j’en suis à présent à soigner la quatrième génération des mêmes familles dont je suis le médecin traitant. Il y a une fidélité de ces patients et donc une satisfaction.
Benoît Viault : Nous sommes plutôt en retard. La sécurité sociale au Royaume-Uni, le NHS, a acté le déremboursement de l’homéopathie il y a maintenant deux ou trois ans. L’Espagne de même. En Allemagne, l’homéopathie est très pratiquée, mais je ne pense pas qu’elle soit remboursée. En Australie, c’est la même chose et aux États-Unis, la mention « Aucune efficacité clinique » figure obligatoirement sur les tubes de gélules homéopathiques. Bref, un grand nombre de pays sont plus en avance que nous.
Je regrette qu’on ne se place pas sur un débat scientifique. Ce qu’on entend, c’est que les patients aiment bien ça, que les médecins qui pratiquent l’homéopathie ont le même diplôme que nous, que Boiron va devoir licencier 1 000 personnes... 
(Ndlr: Boiron est implanté à Messimy et représente la source majeure des recettes de fonctionnement de la CCVL...) Oui, mais où sont les arguments scientifiques ? Comment voit-on la médecine, comme quelque chose de sérieux ou comme un domaine où chacun peut cuisiner à sa manière ? C’est le cœur du débat. Nous aimerions en discuter avec nos confrères homéopathes, mais nous attendons toujours. 


samedi 8 juin 2019

Et vous, feriez-vous appel à la justice restaurative?

(d'après Bastamag. M. Hemmerich 16/03/2017)

Depuis début 2016, une expérimentation est en cours dans les chambres correctionnelles du palais de justice de Lyon. Pour la première fois en France, avocats et magistrats ont conclu un partenariat pour développer des mesures de justice dite restaurative, c’est à dire des rencontres entre personnes victimes et accusées, avant le procès.



Mars 2017: Dans la sixième chambre correctionnelle du TGI de Lyon, l’audience de 14 heures débute avec un peu de retard. Le premier dossier est celui de Monsieur G.  A 27 ans il est jugé pour homicide involontaire. Le 30 juin 2014, à moto, il a renversé un homme de 89 ans, mort sur le coup.
Ce genre de dossiers, le tribunal correctionnel de Lyon en voit passer chaque jour. Il constitue le lot des affaires dramatiques mais ordinaires de la justice pénale. Pourtant, ce jour là, l’audience prend rapidement une tournure différente.
Avant même de rappeler les circonstances de l’accident, la présidente de séance prend la parole pour expliquer : « Il s’agit aujourd’hui d’une affaire un peu particulière car, avant le procès, une rencontre a été proposée à l’auteur des faits, et à la victime ; ce dossier a fait l’objet d’une expérimentation de justice restaurative ».

En effet depuis le 1er mars 2016, une expérience inédite en France a été mise en place à Lyon. Encadrées par des avocats honoraires réunis au sein de l’association Avhonor, des rencontres sont organisées en pré-sentenciel – c’est à dire avant le procès – pour que victime et accusé puissent discuter en face à face.
« Nous avons créé cette association en rébellion à ce qui se passait jusque là, car malgré la loi d’août 2014, il n’existait rien en pré-sentenciel », explique Alain Aucoin, président de l’association.
Pourtant la loi du 15 août 2014 dit qu' « à l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative ».

Si, en France, des rencontres ont effectivement déjà eu lieu une fois le procès terminé et le jugement définitif, soit en post-sentenciel, Lyon est la première ville à expérimenter la justice restaurative avant le procès, sur le modèle de la Belgique où elle est appelée « médiation réparatrice » et mise en place depuis une dizaine d’années déjà.

Alain Aucoin, ancien avocat pénaliste au barreau de Lyon, explique :
« Il fallait des tiers “indépendants”, comme le prévoit la loi, c’est pour ça que nous nous sommes portés volontaires. En tant qu’anciens avocats, il n’y a aucun conflit d’intérêts ni accointance, comme pourraient l’avoir un juge ou le membre d’une association qui défend forcément un intérêt particulier, même s’il est formé ».
« Aujourd’hui, le système est abrupt et punitif. La justice restaurative doit permettre, sur le papier, une « autre vision », plus inclusive et moins binaire que ce à quoi ouvre le système pénal actuel. Outre les deux parties – accusation et défense– la société civile a également un rôle à jouer.
" L’objectif n’est plus simplement la réparation matérielle d’un conflit et la punition d’un coupable, mais la « restauration d’une harmonie sociale ». Vaste ambition.

« En matière de justice, il ne doit pas y avoir qu’un intérêt à défendre. L’objectif, c’est l’intérêt général.  La justice restaurative, c’est le début d’une justice collective plutôt que punitive ».

Lors d’un procès, aucun temps n’est prévu pour permettre l’échange et le dialogue entre les deux parties, qui sont placées dans une dualité indépassable d’accusation et de défense.
« La justice telle qu’on la connaît confisque bien souvent la parole. Le moment du procès peut-être très frustrant notamment pour les victimes », ajoute Laurence Junod-Fanget, bâtonnière de l’Ordre des avocats de Lyon.

L’objectif des rencontres en amont du procès est bien de répondre à une double nécessité : apaiser les victimes et responsabiliser les auteurs en leur faisant prendre conscience de leur acte et ses conséquences.
En d’autres termes, apporter des réponses qu’un procès laisse en suspens, des deux côtés. Les rencontres peuvent aller jusqu’à l’établissement d’un accord, mais « L’indemnisation n’est pas le but premier de la mesure. Elle ne doit surtout pas venir contrarier l’objectif principal qui est la discussion, l’explication en face à face ».


Toutes les infractions sont concernées : vols, agressions sexuelles…

A Lyon, les rendez-vous avec les avocats honoraires se déroulent dans un lieu censé être neutre : au sein du palais de justice, mais dans la bibliothèque des avocats et des magistrats. Pour chaque dossier, le tiers indépendant rencontre d’abord l'auteur de l'infraction, puis la victime. Ensuite seulement, si les deux sont d’accord, ils se rencontrent en face à face.

Pas de restriction liée au type d’infraction commise. Tous les dossiers susceptibles de passer devant la chambre correctionnelle sont étudiés : vols, agressions sexuelles, coups et blessures volontaires ou homicides involontaires…

Mais plusieurs conditions doivent être respectées pour que les rencontres aient lieu. 
Tout d’abord, les faits doivent-être reconnus par l’accusé. 
Il faut ensuite accepter de discuter avec le tiers indépendant, et surtout victimes et auteurs doivent être respectivement volontaires pour rencontrer l’autre. 

Or c’est là que le bât blesse. Sur la dizaine de dossiers sélectionnés entre les mois de mars et octobre, seuls deux avaient débouché sur des rencontres directes. Les autres n’étaient pas allés plus loin que la rencontre préliminaire individuelle avec l’avocat honoraire. En cause, la plupart du temps, la réticence des personnes victimes à rencontrer leur agresseur.

Mais cette première rencontre est déjà un grand pas. Pour la première fois, les victimes peuvent s’exprimer dans un lieu confidentiel, sans qu’il y ait aucun procès verbal de dressé ni de conséquence judiciaire. C’est énorme 

« Je voulais pouvoir lui présenter mes excuses »

Dans la chambre n°6 du palais de justice ce 13 octobre, Monsieur G explique avoir tout de suite accepté la rencontre et demandé à rencontrer l’épouse de la victime. C’est cette dernière qui n’a pas souhaité participer à la démarche, à cause de son âge avancé et d’un problème de surdité.
Malgré tout, le jeune homme raconte que l’entretien avec l’avocat honoraire lui a permis d’arriver beaucoup plus sereinement à l’audience.
« Cela m’a permis d’éclaircir certains points, de me préparer pour le procès, même si ça reste très compliqué comme moment », lâche Monsieur G.
Il ajoute: « Je voulais pouvoir lui présenter mes excuses, peut-être lui demander pardon. En tous cas, essayer d’apporter des explications. Et puis moi, de mon côté, ça m’aurait permis d’avancer également ».
Il parle avec assurance mais sa voix est basse. Pour s’adresser à la victime, plutôt que de hausser le ton, il préfère lui écrire un mot sur un bout de papier que lui tend la greffière.
« La seule chose que je peux dire c’est que je suis désolé et que je n’ai jamais souhaité cela ».

La situation est inédite. Il essaye de retrouver l’intimité de la rencontre organisée quelques jours auparavant dans la bibliothèque des avocats. Mais la salle d’audience ne s’y prête pas, la réponse de la victime cingle : « Lui n’a peut-être pas voulu mais, moi, mon mari est mort ».
Si la communication est impossible, comme dans la majorité des procès, le caractère inédit de l’audience tient à la réaction des avocats de la défense et de la partie civile elle-même. Dans son plaidoyer, loin de la vindicte, l’avocat de la victime conclut :
« Étant donnée l’hostilité de Madame N, je pense que la justice restaurative l’aurait aidée à avancer, et à mieux accepter. Elle souffre aujourd’hui d’une terrible rancœur, cette femme qui a perdu son mari après 57 ans de mariage. Il me semble qu’il aurait été vraiment utile que Madame N s’ouvre et se défasse de sa douleur ».

Le procès n’est pas toujours la meilleure réponse

Un ancien président du TGI de Lyon, Paul-André Breton a participé à insuffler cette nouvelle philosophie pénale. S’il n’a pas assisté à la mise en place effective du projet lyonnais, il a demandé la réorganisation du tribunal et ainsi donné une orientation volontaire à l’expérimentation.

En effet, si aujourd’hui le projet est porté par des avocats honoraires, les juges ont un rôle de premier ordre à jouer, les rencontres étant nécessairement proposées par le magistrat en charge du dossier. Il lui revient de décider si une procédure de justice restaurative est souhaitable, en accord avec le parquet.
Ce dernier point est essentiel, note Paul-André Breton :
« Il faut associer le procureur car si le parquet ne s’intéresse qu’à une répression “féroce”, il n’y aura jamais la place pour une autre démarche. Il s’agit de chercher la manière dont on peut améliorer la qualité de la réponse judiciaire, en sortant des schémas classiques de la justice répressive". 
Il s’agit donc de « changer les mentalités petit à petit », d’accepter de prendre plus de temps en amont, avec l’accusé tout comme avec la victime. Aujourd’hui magistrat à Rouen, Paul-André Breton tente d’ailleurs de s’inspirer de l’expérimentation lyonnaise mais il doit bien reconnaître que la majorité des magistrats reste encore sinon réticente, du moins trop peu informée :

« Les professionnels recherchent la sécurité, ils tournent sur des procédures qu’ils connaissent, c’est comme dans le code pénal : il y a je ne sais combien de milliers d’incriminations mais l’ensemble des parquets tourne sur 300 ou 400 ».
L’objectif, pour Paul-André Breton, n’est pas de remplacer le système actuel, mais de le compléter, de rendre la réponse plus adéquate. 
Beaucoup de pédagogie reste à faire sur le sujet. Mais plusieurs barreaux en France se sont déjà montrés intéressés par le déroulement de l’expérience lyonnaise.

Le bilan de la première année du Tribunal de Grande Instance du Rhône, est plutôt bon. Douze dossiers ont été instruits, quatre ont permis des rencontres entre auteur et victime, et deux ont donné lieu à des accords. Les perspectives sont très encourageantes, une vingtaine de dossiers devraient être traités. Et, récemment, trois autres affaires, émanant directement d’avocats ont été dirigées sur AVHONOR et l’une d’entre elles est en train de se traiter en transaction. https://apres-tout.fr/projets/avhonor/