d'après Nicole Gellot, l'Age de Faire, novembre 2017
Etes-vous agacé·e·s, blasé·e·s, ou passionné·e·s par le débat sur l’écriture inclusive ?
Que pensez-vous de ce petit « e » intercalé qui bat en brèche la sacro-sainte règle selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin ?
Comment vivez-vous la féminisation des mots qui permet de faire exister l’auteure, la jardinière, la maire et la scaphandrière ?
Y a-t-il pour vous un inconvénient à ce que les « droits humains » remplacent les « droits de l’homme » ?
Saviez-vous que la règle "le masculin l'emporte sur le féminin" a été mise en place définitivement au 18ème siècle, et que l'on vivait très bien jusque-là avec l'accord de proximité, y compris chez nos grands auteurs comme Racine et Corneille?
« Armez-vous d'un courage et d'une foi nouvelle » , Racine dans Athalie
« Sa bonté, son pouvoir, sa justice est immense », Corneille dans Polyeucte
Vous avez dû remarquer que nombre de publications ont commencé à pratiquer cette année, et sur la pointe des pieds, cette nouvelle façon d’écrire. Il est grand temps d'en parler.
En 2015 le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, a publié un guide incitant les pouvoirs publics à adopter une communication « sans stéréotype de sexe ». Le Manuel de l’écriture inclusive, édité par l'Agence Mots-Clés, la décrit comme un « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes ».
Il est évident qu’il faut défendre ardemment l’égalité entre les femmes et les hommes, mais les habitudes en matière de langage ont la peau dure...
Il y a un peu plus d’un an, personne donc ne se sentait très concerné par l’écriture inclusive. On toisait de haut ce mode d’expression jugé pataud. Et tout le monde approuvait. Depuis, l’écriture inclusive s’est glissée en douceur dans notre quotidien, bien que cela ne fasse pas l’unanimité.
« Ça m’embête, ça a tendance à alourdir, mais on évolue et maintenant je l’utilise », dit un journaliste. "Parce que nous sommes convaincu·e·s, en majorité nous journalistes, que oui, un petit « e » peut faire la différence, sortir les femmes de l’invisibilité dans laquelle les ont maintenues les règles langagières édictées par des hommes. Le langage n’est pas innocent, pas détaché des mentalités et des comportements".
Il n'y a pas de véritables règles en place. On écrit en inclusif à l’instinct. Pas de position tranchée. Pas de généralité, pas d’hégémonie, mais du tact et de la finesse. Amusons-nous. Soyons joueurs et créatifs. La langue française n’est pas menacée d’un « péril mortel » comme le prédit l’Académie française. Son cœur bat au rythme du temps.
L'écriture inclusive n’est pas la solution miracle pour combattre les stéréotypes sexistes, mais elle y contribue et nous incite à reprendre la bagarre sur le terrain. En effet, vous l'avez particulièrement remarqué en cette période de Noël, les clichés genrés reviennent en force.
Ouvrez un catalogue de jouets: pour les filles, vous n’y verrez que du rose. Rendez-vous à la maison de la presse : de nombreux titres clivants, comme Les P’tites princesses ou Les P’tites sorcières, conditionnent dès leur plus jeune âge les p’tites filles. Hâtons-nous de réagir !
Et de relire l’ouvrage fondateur de la pédagogue féministe italienne, Elena Gianini Belotti, "Du côté des petites filles", sorti en France en 1974 aux Editions des Femmes. L’auteure met en évidence la puissance des stéréotypes enracinés en chacun de nous.
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