Chaque opérateur propose désormais des offres « vertes », censées vous permettre de ne consommer que de l’électricité d’origine renouvelable. Que cachent réellement ces propositions aux apparences écolos ?
C'est devenu systématique : chaque fournisseur de courant propose à ses clients au moins une « offre verte », leur permettant de se fournir « uniquement en électricité d’origine renouvelable ». Et rien de plus facile que de changer de fournisseur, un simple mail ou appel téléphonique est suffisant.
EDF propose depuis peu une "offre verte", avec un peu de retard, alors que Engie (ex-GDF – Suez) et Direct Énergie, les deux principaux concurrents de l’opérateur historique, s’étaient déjà lancés dans l’aventure depuis plusieurs mois. De plus petites entreprises se sont, pour leur part, entièrement construites sur cette promesse. Dans la liste de ces fournisseurs d’électricité verte, on trouve même Total Spring, filiale du géant pétrolier, que l’on a connu moins pressé de mener la transition énergétique… Alors, comment expliquer un tel engouement ?
D’abord, assurément, parce que la demande est là. Dans un marché ouvert à la concurrence depuis désormais dix ans, plus de vingt fournisseurs proposent leurs services aux particuliers. Ils doivent donc rivaliser d’imagination pour séduire le chaland. Or, une partie importante de la population adhère à l’idée d’encourager la transition énergétique. En l’occurrence, elle le fait d’autant plus facilement que les prix du « vert » ne sont pas forcément plus élevés que les autres. Il n’y aurait donc plus qu’à attendre que chaque abonné·e souscrive à une offre de ce type pour pouvoir déclarer achevée la transition énergétique ?! Pas si simple...
LE NUCLÉAIRE VERT…
On comprend en se posant cette question que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Notamment parce que le mix électrique français est ce qu’il est : environ 72,3 % de nucléaire, 12 % d’hydraulique, 6,6 % de gaz, 3,9 % d’éolien, etc. (1) Est-ce que les « offres vertes » feront évoluer ce mix vers plus de renouvelable ? Rien ne le certifie. Pire : il n’est pas impossible qu’en y souscrivant, votre argent finance… l’industrie nucléaire !
Toute électricité produite est injectée sur le réseau général. Ainsi, quelle que soit l’offre à laquelle vous avez souscrit et le fournisseur que vous avez choisi, votre habitation sera alimentée avec de l’électricité « grise », faite du mix électrique global décrit plus haut.
La promesse repose donc sur le système des Garanties d’origine, comme l’explique Total Spring sur son site internet : « Les fournisseurs d’électricité verte achètent ces Garanties d’origine à hauteur de la consommation de leurs clients, garantissant ainsi que pour tout kWh consommé, l’équivalent en électricité verte est injecté dans le réseau. »
Si Total Spring vend pour 1000 kWh d’électricité d’origine renouvelable à ses clients « écolos », il doit, en face, pouvoir aligner des certificats de Garanties d’origine équivalent à ces 1000 kWh. À qui les achète-t-il ? À n’importe quel producteur d’énergie renouvelable : un particulier, une entreprise, une collectivité qui fait fonctionner des panneaux solaires, des éoliennes, un barrage hydroélectrique…
Mais, et c’est le noeud du problème, il n’est pas obligé de lui acheter son électricité renouvelable, décorrélée des garanties d’origine qui vont avec… Concrètement, voilà ce que cela peut donner : pour livrer l’énergie à ses clients ayant souscrit à son offre verte, un fournisseur peut acheter les kWh dont il a besoin à EDF via le système de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) et, parallèlement, acheter les Garanties d’origine à un producteur d’électricité verte. Il vend ainsi de l’électricité nucléaire estampillée « renouvelable ».
QUELQUES DIZAINES DE CENTIMES
Or, des garanties d’origine, l’Europe n’en manque pas. Le marché est notamment inondé des certificats norvégiens, issus de la production hydroélectrique du pays scandinave. Certains fournisseurs jouent donc, en plus du côté « vert », sur le côté « local » de leur offre.
Total, pour garder le même exemple, promet par exemple « une électricité verte d’origine française ». Mais là encore, il y a de la marge : l’électricité dite verte ( couplée aux Garanties d’origine) représenterait environ 5 % des volumes totaux vendus en France, alors que le renouvelable représente environ 17 % de la production du pays (2).
Loi de l’offre et de la demande oblige, les garanties d’origine se négocient pour une bouchée de pain, parfois par des grossistes revendant ensuite au détail : quelques dizaines de centimes par Mwh, selon un professionnel du secteur, alors que la quantité d’électricité correspondante se monnaie pour sa part plus de 40 euros (42 euros en passant par l’Arenh) – le cours de l’électricité étant révisé chaque demi-heure.
Le prix du label vert est ainsi anecdotique pour les fournisseurs d’électricité qui en font à peu de frais un argument commercial. De même, les producteurs bénéficient ainsi, éventuellement, d’un maigre complément de revenu, très insuffisant pour développer de nouveaux moyens de production d’énergies renouvelables. Aucun mécanisme, d’ailleurs, ne les oblige à réinvestir l’argent de leurs garanties d’origine dans le développement de nouveaux moyens de production d’énergie verte.
Nicolas Bérard in https://www.lagedefaire-lejournal.fr/
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1 – Chiffres RTE.
La pertinence d’Enercoop –"Enercoop, l’énergie 100% verte" Enercoop est une entreprise coopérative qui n’est pas concernée par ce système biaisé des garanties d’origine. En effet, Enercoop se fournit auprès de producteurs appartenant à la coopérative d’électricité renouvelable aussi bien en électricité qu’en garanties, sans décorréler l’une des autres. De plus, ses statuts imposent qu’au moins 57 % des bénéfices soient réinvestis dans le projet de l’entreprise, à savoir encourager les économies d’énergies et promouvoir les énergies renouvelables.
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