samedi 27 avril 2019

Il faut sauver le soldat Maya !

Gilet jaune et noir, Maya pique une colère!


Représentante des abeilles qui en ont ras l’antenne de mourir dans l’indifférence générale, Maya nous détaille ses revendications.


d'après Les Jours 10 avril 2019


Quand Maya a ouvert les yeux à son réveil printanier, les ronds-points fleuris étaient encore recouverts d’inscriptions humaines : « Y’en a marre », « On n’en peut plus », « Faut que ça change!»… et elle a trouvé que c’était valable pour elle aussi. C’est donc affublée d’un gilet bicolore jaune et noir qu’elle exige d’être écoutée. Et c’est vrai que sa situation n’est pas brillante.


Que voulez-vous dire, Maya, avec votre gilet jaune et noir ?

D’abord, c’est notre costume naturel. Comme le jaune marche bien en ce moment, on s’est dit qu’on avait notre chance dans les médias. Il est grand temps. Ça fait tout de même bientôt trente ans qu’on crève en silence par paquets de mille. Rien que l’année dernière, les apiculteurs ont perdu en moyenne 30 % de leurs colonies et certains jusqu’à plus de 80 %, dépeuplées de nos congénères à la sortie de l’hiver. Au total, selon un décompte de la Fédération des apiculteurs professionnels, quelque 400 000 ruches ont passé l’arme à gauche. Et encore, vous avez bien failli ne pas avoir l’info. Il a fallu faire jouer la Sonnerie aux morts par un trompettiste en juin dernier sur l’esplanade des Invalides pour que le ministère de l’Agriculture se décide à lancer une enquête nationale. Le lieu était bien choisi : c’est une armée de consœurs qui meurent chaque année aux champs. Même en temps de paix.

Nos ennemis, d’ailleurs, sont connus. Les campagnes françaises sont bombardées de pesticides depuis le milieu du XXe siècle.

Les scientifiques ont beau usiner pour prouver les effets de la chimie sur nos neurones, plusieurs générations y passent avant que les produits les plus toxiques soient interdits. 
De plus, un cortège de maux divers et variés nous pourrit la vie en supplément : le changement climatique risque de perturber le ciel et une flopée de parasites, de virus et de maladies contagieuses viennent jusque dans nos bras égorger nos filles dans nos campagnes. Le Varroa destructor, par exemple, un acarien plutôt laid, introduit en France au début des années 1980, continue à nous pomper l’hémolymphe
Trop c’est trop, l’alvéole est pleine. J’appelle mes consœurs à investir les ronds-points pour qu’on nous entende vrombir jusqu’à la place Beauvau

L’hémo-quoi ???

En gros, l'hémolymphe c’est notre sang à nous, les invertébrés. Et comme si cela ne suffisait pas, au début des années 2000, Vespa velutina, le frelon asiatique, un serial killer d’abeilles, a débarqué de Chine. Trop c’est trop, l’alvéole est pleine. J’appelle mes consœurs à investir les ronds-points pour qu’on nous entende vrombir jusqu’à la place Beauvau.

Qu’attendez-vous du gouvernement ?

Qu’il arrête de mollir. Les reculades ne se comptent plus. Lancé en 2008, le plan Écophyto ambitionnait de réduire de moitié l’usage des pesticides en France d’ici à 2018… C’est une réussite, bravo! la consommation française a augmenté ces dix dernières années ! Pour dire tout le bien qu’on pense de moi, il y a toujours du monde. Mais dès qu’il s’agit de mettre les mains dans la propolis, il n’y a plus personne.

Tenez, le 24 décembre dernier, dans une tribune parue dans Le Monde, trente-six députés Les Républicains ont lancé un cri d’alarme en notre faveur. L’esprit de Noël semblait enfin là. 
Mais quelques jours plus tard, figurez-vous que le journaliste scientifique du quotidien Stéphane Foucart les a pris la main dans le pot de miel en moulinant un par un leurs noms dans le moteur de recherche du site NosDeputés.fr. Riche idée : trente des trente-six élus en question avaient soutenu au moins un amendement contestant l’interdiction des néonicotinoïdes, ces pesticides introduits dans les années 1990 dont on a la preuve qu’ils ont des effets mortels sur les abeilles et les guêpes.


Quant au grand patron, c’est le pompon. Après nous avoir expliqué qu’il était inutile d’inscrire dans la loi la sortie du glyphosate – un herbicide dont on a appris récemment qu’il nous fusillait les intestins – puisque le monde agricole allait, contre l’évidence, se porter volontaire pour s’en passer, Emmanuel Macron a rebroussé chemin. « Est-ce qu’on peut dire qu’il n’y aura plus du tout de glyphosate dans trois ans ? Impossible. Je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas vrai », nous a lancé tout de go le Président, lors d’un des premiers rounds du grand débat, à Bourg-de-Péage, dans la Drôme. Franchement, même si nous avions toute légitimité à participer à ce raout national, rayon transition écologique, on a bien fait d’aller butiner ailleurs.

Vous considérez-vous comme une lanceuse d’alerte ?

C’est une évidence et ça mériterait l’asile diplomatique à Cuba où, depuis la fin de l’URSS, on ne nous asperge plus de pesticides de synthèse. Avec mon habit jaune et noir et mes milliards de congénères (il y a environ 1,3 million de ruches en France), je ne suis que la pointe émergée de l’iceberg, qui par ailleurs fond plus vite qu’un esquimau. Je ne suis que l’abeille domestique, Apis mellifera, je fais du miel, je m’adapte en ville,
j’ai la cote, je peux servir d’étendard à la cause. Mais derrière moi, il y a quelque 1 000 espèces d’abeilles sauvages hexagonales, près de 2 000 en Europe et peu ou prou 20 000 dans le monde. Il est certain qu’elles peuvent manquer de glamour : elles vivent en solitaires, ne produisent rien directement pour les humains… Presque des hippies si on les compare à ma production stakhanoviste.

Elles comme moi sommes logées à la même enseigne : les insectes en général sont bien avancés en matière d’effondrement de la biodiversité. C’est ce que les entomologistes nomment le « syndrome du pare-brise » : il n’y a plus, désormais, un seul moucheron collé sur la vitre, même sur un Paris-Marseille par l’autoroute du Soleil.
Le premier rapport mondial sur l’évolution des populations d’insectes prévoit même notre disparition à tous pour le début du XXIIe siècle. Depuis trente ans, notre biomasse totale diminue de 2,5 % par an et notre taux d’extinction est huit fois plus rapide que celui des mammifères, des oiseaux et des reptiles. Ceux-ci ne tarderont pas à suivre, puisque nous constituons leur nourriture. Cela s’appelle la « sixième extinction de masse ». En tant que mammifères, vous pourriez d’ailleurs vous sentir concernés. Bref, même si la phrase attribuée à Einstein « Si les abeilles disparaissaient, l’humanité n’aurait plus que quelques années à vivre » est une fake news totale, force est de constater que ce qui est la mouise pour nous le sera bientôt pour vous. Alors si j’endosse le costume de Cassandre version gilet jaune, c’est pour le bien commun.


85 % des plantes à fleurs attendent le passage d’un insecte. Et en Europe, c’est plus d’un tiers de l’alimentation qui ne peut se passer de la pollinisation


La grève générale est-elle une option ?

En ma qualité d’animal, je ne dispose hélas pas de la liberté de monter un piquet de grève devant les ruches de France et de Navarre. Mais imaginons un instant que ce soit le cas. Figurez-vous que mes congénères et moi-même sommes à l’origine d’un service – gratuit – de pollinisation. Rouvrez vos manuels de bio : dans une fleur, il y a des étamines et des pistils. Le pollen des premières doit féconder les seconds. Il se trouve que je récolte du pollen pour ma consommation personnelle. Je transporte des milliers de grains dans les poils en forme de peigne qui recouvrent mon corps… et je les disperse. Grâce à moi, les fleurs produisent une graine qui germe et donne une fleur. Bref, je pollinise.
 85 % des plantes à fleurs attendent le passage d’un insecte de l’ordre des hyménoptères (moi, mes cousines sauvages et les guêpes), des diptères (les mouches et syrphes surtout), des lépidoptères (les papillons) ou des coléoptères (les charançons qui ont bien mauvaise réputation, les pauvres). Et on ne parle pas seulement des jardinières de balcon. Mais bien de votre salade de fruits détox – cerises, prunes, pommes –, de vos Buddha bowls livrés par un esclave à pédales – courges, fraises, poivrons, tomates – et même du colza ou du tournesol qui produisent les huiles de vos petites salades. 
En Europe, c’est plus d’un tiers de l’alimentation qui ne peut se passer de la pollinisation.


Et comme rien ne vaut une comparaison en points de PIB pour apparaître sur le bandeau d’une chaîne d’info en continu, la valeur mondiale de ce service a été chiffrée à 153 milliards d’euros, soit 9 % de la valeur de la production alimentaire. Quand on va tous et toutes s’arrêter en même temps, soit parce qu’on aura obtenu le droit de grève, soit parce qu’on sera mort·e·s, ce qui est plus probable, vos estomacs vont comprendre leur douleur. Votre porte-monnaie aussi.

Comptez-vous présenter une candidature aux prochaines élections ?

J’ai en effet des atouts sous le jabot – contrairement à Yannick (Jadot), qui rame un peu question popularité. Tout le monde me connaît, les ruraux comme les urbains, les vieux et les jeunes. J’ai inspiré des philosophes, des mathématiciens. On peut quasiment dire que je suis devenue un objet culturel. Mon capital sympathie est énorme. Je suis proche d’une icône pop. Je vous rappelle que Beyonce, la chanteuse la plus bankable du monde se fait appeler « Queen B », « la reine des abeilles ». Ce qui n’empêche en rien ma qualité de vie de se dégrader.

Finalement, je reste proche du peuple. Et je suis réprimée comme lui. 
Comme l’a noté l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz dans une chronique récente parue dans Le Monde, « la répression policière des gilets jaunes et la disparition des insectes − annoncée par des scientifiques pour le début du XXIIe siècle – partagent une origine commune qui remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, au moment où les gaz de combat sont reconvertis à un usage civil, à la fois comme phytosanitaires pour nettoyer les champs et comme gaz lacrymogènes pour réprimer grévistes et émeutiers ». 
Vous voyez bien que je n’ai jamais aussi bien porté mon habit jaune et noir. Finalement, ce qui me différencie le plus des GJ, c’est ma position. Eux veulent prendre l’Élysée. Moi, j’y suis déjà entrée. Bien au chaud dans les quatre ruches qui garnissaient les jardins du palais. Jusqu’à ce qu’on me vire cette année, certes. Mais je connais le chemin. Alors il serait bon que les prochaines paroles du Président soient comme du miel à mes oreilles.

samedi 20 avril 2019

Conseil municipal du 15 avril: "la tête ailleurs!"

photo AFP
Pendant toute cette soirée du 15 avril, les pompiers parisiens ont lutté contre les flammes qui dévoraient Notre Dame. 
La réunion du Conseil municipal de Vaugneray s'est donc tenue dans une ambiance un peu spéciale, les conseillers présents bien souvent penchés sur leur téléphone portable, le public encore plus clairsemé qu'à l'accoutumée...
L'ordre du jour ne faisant guère polémique, les délibérations se sont enchaînées rapidement.

Logements sociaux La Maletière
Le Conseil municipal a donné son accord pour un emprunt de 710 000 euros destiné à financer l'opération de logements sociaux à la Maletière. 
Cet emprunt n'a vocation qu'à financer le portage du foncier, et sera donc transitoire. Le prêteur est la Caisse des Dépôts et Consignations au taux du livret A + 0.6%.

Rénovation des Émeraudes
Le Conseil municipal a également confirmé qu'il garantissait à 40% les emprunts contractés par l'EHPAD Les Émeraudes pour un montant de 6 416 456 euros.
Les Émeraudes vont passer de 82 à 94 lits tout en se rénovant et se modernisant: plus d'accessibilité, plus de sécurité, plus de liens familles-résidents avec un salon des familles à chaque étage, amélioration des locaux consacrés au quotidien des résidents Alzheimer... Notre maison de retraite a été inaugurée en 1991, les normes ont changé, les caractéristiques des résidents également: ils sont plus âgés au moment de leur entrée, moins valides. Les tranches de travaux qui s'échelonneront jusqu'en juillet 2021 sont donc nécessaires et bienvenues.

Agrandissement de l'école du centre
Comment faire quand on n'a pas su prévoir? Devant l’exiguïté des locaux actuels un bâtiment de 4 classes sera construit sur le terrain en face de l'école primaire. Mais 4 classes seront-elles suffisantes, et pour combien de temps? Pas de réponse claire. Le bâtiment devrait être opérationnel à la rentrée 2020. Coût estimatif de 792 500 euros HT. Demandes de subventions diverses pour 75% de ce montant. Restons optimistes.

Classe verte de St Laurent-de-Vaux
Les 39 enfants de l'école de St Laurent sont partis en classe verte dans la Loire à Apinac pendant 3 jours, les 10,11 et 12 avril. La commune participera au transport pour 150 euros. Cette école est à classe unique, petits et grands ont donc vécu ensemble de grands moments de vie collective, bravo à eux!

Salle des Fêtes, suite... et fin?
Encore quelques avenants (avenants en moins pour 712 euros ce 15 avril...), et on pourra peut-être tirer un trait sur le grand gâchis financier du mandat. Reconnaissons cependant qu'au point de vue architectural, la réhabilitation de ce bâtiment désuet est plutôt réussie. Mais nous ne le répéterons jamais assez, la place d'une salle des fêtes de cette taille n'est pas au cœur du village! Vaugneray méritait d'avoir une belle salle des fêtes toute neuve -ce qui aurait coûté bien moins cher- dans un environnement mieux adapté. Mais il aurait fallu un peu plus de réflexion, et consulter la population...

Après avoir pris connaissance du rapport annuel des DDEN (Délégués Départementaux de l'Education Nationale) sur le fonctionnement de nos écoles, rapport plutôt positif, et après avoir échangé quelques impressions sur le déroulement de la dernière JJC (Journée du Jeune Citoyen), impressions positives également, les Conseillers municipaux se sont quittés pour retourner s'informer des nouvelles nationales. 
Notre Dame de Paris brûlait toujours, et le panneau lumineux place de la mairie indiquait: "Mémoire vide!"






samedi 13 avril 2019

Changer sa chaudière ou isoler ses combles pour un euro : un marché juteux!

d'après bastamag.net s.chapelle 21/03/2019

ATTENTION! Quand c'est flou, il y a un loup!

Peut-être faites-vous partie des usagers ayant reçu une offre commerciale proposant, pour un euro, de changer votre chaudière ou d’isoler vos combles. Plusieurs grands groupes énergétiques et enseignes de grandes surfaces s’engagent même à prendre en charge toutes les démarches, depuis la demande des aides jusqu’à l’avance de trésorerie [1] 

Comment diable les entreprises peuvent-elles proposer des équipements ou des prestations à si bas prix ?
Ces offres sont financées par un dispositif peu connu : les certificats d’économie d’énergie. 
Un dispositif très obscur qui, nous le verrons, contribue très peu à la transition écologique, coûte à chaque Français, et mène jusqu'au blanchiment d'argent.. 




Démonstration: 

Il faut se pencher sur la mention rédigée en minuscule qui accompagne ces offres : elles s’inscrivent dans le dispositif dit des « certificats d’économies d’énergie », sans autre précision...
Ces certificats ne vous disent absolument rien ? Pas étonnant. Selon un sondage Ifop réalisé en 2017, près de 9 Français sur 10 ne connaissent que vaguement, voire pas du tout ces certificats. Ils existent pourtant depuis 2005 [2].

Le principe: la France  a instauré ces certificats avec l’idée d’appliquer le principe « pollueur payeur » aux vendeurs d’énergie - électricité, gaz, carburants, fioul - comme EDF, Engie ou Total. Tous les 3 ans, l’État leur fixe un objectif d’économie d’énergie [3].

Le fonctionnement: Pour prouver qu’ils ont atteint l’objectif, les fournisseurs d’énergie doivent produire ces certificats. Pour en obtenir auprès de l’Etat, ils ont deux possibilités : 
- soit changer leur propre mode de production en allant vers davantage de sobriété, ce qui exige des choix drastiques;
- soit inciter leurs clients, dont les particuliers, à faire des économies d’énergie [4], ce qui est plus facile, à grand renfort de publicité! 
C’est évidemment cette deuxième voie que les entreprises privilégient. C’est ce qui explique la profusion d’offres pour remplacer des chaudières par un équipement « moins polluant », ou pour faire des travaux de rénovation sensés générer des économies d’énergie.

Les conséquences: peu d'économies d'énergie, des travaux bâclés, de l'argent public gâché, du blanchiment d'argent, une pénalisation financière de tous les Français et surtout des locataires... 
  • Pas ou peu de contrôles: S’inscrire dans le programme de ces certificats d’économies d’énergie permet de bénéficier de subventions attribuées par le ministère de la Transition écologique et solidaire (200 millions d’euros sur la période 2018-2020). Ces subventions s’ajoutent aux aides publiques individuelles, allouées en fonction du type d’équipement, du gain énergétique estimé, ou du revenu du ménage [5]. Problème : rien ne garantit que ces nouvelles chaudières ou ces travaux de rénovation, financées en partie par de l’argent public, vont réellement générer les économies d’énergie annoncées. Aucun opérateur indépendant ne vérifie que les travaux entraînent réellement des économies d’énergie.
Prenons l’exemple d’une offre à un euro permettant aux ménages très modestes de remplacer, pose comprise, une vieille chaudière à énergie fioul ou gaz, par une pompe à chaleur air-eau.
Pour arriver à proposer une prestation à un euro, l’entreprise va demander une aide publique auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui s’ajoutera à un crédit d’impôt, voire à un prêt à taux zéro pour les particuliers [6]. Qui s’assurera ensuite que les économies d’énergie en théorie réalisées le seront dans la réalité ? « Il n’y a plus d’obligation depuis un an d’être accompagné par un opérateur indépendant pour contrôler les travaux réalisés. Ce qui fait douter de l’équipement technique qui va être posé et de la qualité de la pose », confie un conseiller Faire, service rattaché au ministère de l’Écologie qui guide les usagers dans leurs travaux de rénovation énergétique...

  • Des travaux très souvent bâclés: De récentes enquêtes confirment que les chantiers sont régulièrement bâclés par des entreprises qui font baisser les coûts afin de rentrer dans le plafond des aides. En février 2019, l’UFC-Que Choisir tire la sonnette d’alarme dans une étude sur les certificats d’économie d’énergie. L’association de consommateurs pointe les carences d’un « dispositif mal connu, complexe, inique et in fine insuffisamment efficace ». Elle rappelle qu’un « pôle national des certificats d’économies d’énergie » (PNCEE) a été créé afin d’assurer la gestion du dispositif [7]« Cependant, avec 14 personnes, les moyens du PNCEE restent très limités pour effectuer les contrôles. Selon le ministère, seulement 165 dossiers ont été contrôlés depuis 2015, ce qui laisse une place aux risques de fraude », souligne l’association de consommateurs. 

Les contrôles sont donc très faibles au regard des dizaines de milliers de chaudières, appareils de chauffage au bois, pompes à chaleur, mètres carré d’isolants, ayant été installés ou posés entre 2006 et 2014 dans le cadre des certificats d’économie d’énergie. 

  • Des économies d'énergie très décevantes :  L’Agence nationale de l’habitat exigeait jusqu'en septembre 2018 que les travaux améliorent d’au moins 25 % la performance énergétique. Cette obligation a été supprimée en septembre 2018 par le gouvernement. Or, même avant la suppression de cette obligation, le dispositif était déjà controversé pour son manque d’efficacité. Sur les relevés de consommation de 5000 foyers ayant effectué des travaux d’efficacité énergétique, dont l’installation de chaudières, une étude menée par GDF-Suez, devenu Engie, a montré que les économies d’énergie étaient en moyenne de 50 % inférieures aux économies annoncées [8]. Qu’en sera-t-il avec la fin de cette obligation ? Un milliard d’euros d’argent public sans garantie d’amélioration de performance énergétique!
Revenons à nos ménages optant pour une pompe à chaleur. Si un seul euro est déboursé lors de l’installation, la facture liée à la consommation peut entraîner quelques désillusions. « Le coefficient de performance énergétique d’une pompe à chaleur dépend, entre autres, de l’isolation de la maison. Si la maison n’a pas été isolée, la consommation d’électricité peut être potentiellement très importante », explique un conseiller Faire. Or, c’est justement au nom de « la lutte contre le réchauffement climatique » et de « l’amélioration du pouvoir d’achat des Français » que le gouvernement finance, à hauteur de un milliard d’euros sur deux ans, le remplacement de 600 000 chaudières au gaz et au fioul. Mais si les logements demeurent mal isolés, l’économie d’énergie sera très faible...

  • Un trafic de certificats d'économie d'énergie qui amène les entreprises, par du  blanchiment d'argent, à « financer des réseaux criminels transnationaux»! En effet, pour arriver à proposer une prestation à un euro, les fournisseurs d’énergie s’appuient sur deux piliers: d'une part, on l'a vu plus haut, sur des aides publiques (le montant des aides de l’Anah peut aller jusqu’à 50 % du montant des travaux), et d'autre part,  sur le marché des certificats d’économie d’énergie. Certaines entreprises atteignent leurs objectifs, voire les dépassent, et se retrouvent avec trop de certificats attribués par l’État! D’autres entreprises, au contraire, peinent à vendre des prestations auprès des particuliers. Elles cherchent donc à racheter des certificats pour éviter des pénalités financières.

Comme dans le cas des émissions carbone, un marché des certificats d’économie d’énergie a été mis en place à l’échelle nationale. Impossible d’en savoir plus : Powernext, la société privée qui s’est vue confiée le registre national des CEE depuis 2017, ne répond pas aux questions. On aimerait pourtant en savoir plus sur ce marché en pleine expansion après la lecture d’un rapport de Tracfin, le service de Bercy chargé de la lutte contre le blanchiment, publié en 2016. Celui-ci met très clairement en garde contre les « acteurs mal intentionnés » arrivant sur ce marché.
Le rapport cite notamment l’exemple d’une société ayant produit de fausses attestations de travaux. Elle a obtenu au total l’équivalent de 7 millions d’euros de certificats d’économie d’énergie ! Selon Tracfin, le dispositif « s’apparente à un mécanisme par lequel les grands groupes de l’énergie française sont amenés à financer des réseaux criminels transnationaux ». Un an plus tard, l’organisme de lutte contre la fraude financière continue de lancer l’alerte : le « resserrement de la réglementation pousse les fraudeurs à s’adapter », observe son rapport 2017, qui pointe du doigt « les risques présentés par les chaînes de sous-traitance »...


  • C'est nous tous qui payons! Ce dispositif coûte en réalité entre 100 à 150 euros par an sur la facture de tous les ménages!

Qui paie au final le véritable prix des chaudières ou travaux d’isolation à 1 €, dont l’efficacité réelle est discutable ? Tous les usagers ! Le coût est répercuté sur la facture d’électricité payée par l’ensemble des Français – environ 1,80% du montant total de la facture en 2018, comme le concède le groupe Effy, spécialisé dans les économies d’énergie. Cette facture pourrait grimper cette année avec la hausse du prix du certificat qui s’échange sur le marché [9]. Si l’on prend en compte les factures pour le logement et les dépenses de carburant, le coût de ces certificats représente au total « 3 à 4 % des dépenses énergétiques des Français », selon le calcul des associations de consommateurs. Soit entre 100 et 150 euros par ménage et par an, toutes énergies confondues - électricité, gaz, carburants compris.


Ce dispositif suscite aussi des inégalités entre d’un côté, les 58 % de ménages propriétaires de leur résidence principale, et de l’autre, les locataires. Ces derniers financent de fait le dispositif dans leur facture d’électricité. Mais peu d’entre eux réaliseront de coûteux travaux de rénovation dans un logement qui ne leur appartient pas. Selon l’Insee, moins de 5% des locataires effectuent des dépenses pour diminuer leur consommation d’énergie contre 22% pour les propriétaires. Des ampoules Led ou des lave-linges peuvent être éligibles à des certificats, mais au prix de quelques tracasseries administratives... « En tant que simples usagers de leur logement ils n’ont aucun intérêt à réaliser d’onéreux travaux d’économie d’énergie sachant qu’ils ne pourraient que peu en profiter, et sont donc exclus des avantages financiers des certificats d’économie d’énergie », résume l’UFC Que Choisir. Pour rééquilibrer le dispositif, l’association propose la création d’un malus qui sanctionnerait les bailleurs proposant un bien énergivore à la location, et d’un bonus récompensant ceux qui proposent un logement performant.
Dans une question posée fin 2018 au gouvernement, le sénateur centriste Hervé Maurey alerte sur les limites des certificats d’économie d’énergie. Il plaide pour leur évolution « vers plus d’efficacité et de transparence ». Sa question est pour l’instant restée sans réponse. 

Le gouvernement s'enfonce dans le déni!
C’est pourtant sur ce dispositif que mise aujourd’hui principalement le gouvernement pour inciter les particuliers, les entreprises, les collectivités et les administrations à réaliser des économies d’énergie. Un rapport de la Cour des comptes publié en 2016 souligne que les certificats d’économie d’énergie auraient contribué à financer des travaux d’économies d’énergie – installation de chaudières individuelles, de pompes à chaleur, isolation, remplacement de fenêtres, etc. – à hauteur de 24 milliards d’euros... 



Notes

[1
Voir ici l’offre à un euro d’Effy pour remplacer sa chaudière à fioul ou gaz par une pompe à chaleur air/eau, et  l’offre à un euro d’Engie pour remplacer une chaudière gaz par une chaudière gaz « à très haute performance énergétique ».
[2
Les certificats d’économie d’énergie ont été instaurés dans le cadre de la loi sur les orientations de la politique énergétique
[3
L’objectif est calculé en « kWh cumac » (kilo-watts heure cumulés actualisés) : cumulé (sur la durée de vie de l’opération d’économie d’énergie réalisée) - actualisé (pour tenir compte de l’évolution de la consommation énergétique de référence par rapport à laquelle l’économie est calculée). 1 certificat d’économie d’énergie = 1kWh d’énergie finale économisée.
[4
Les entreprises peuvent aussi obtenir des certificats en réalisant des travaux chez des personnes morales (collectivités territoriales, entreprises, bailleurs sociaux...). Elles peuvent également déléguer tout ou partie de leurs obligations à des sociétés tiers qui vont réaliser les travaux : il peut s’agir par exemple de sociétés du secteur du bâtiment ou des énergies renouvelables, qui peuvent alors elles-aussi recevoir des certificats d’économie d’énergie des pouvoirs publics si elles justifient des travaux correspondants.
[5
Le gouvernement distribue des primes « coups de pouce » dont le montant varie selon l’équipement choisi et le plafond de ressources. La « prime coup de pouce » peut aller jusqu’à 4000 euros pour installer une chaudière biomasse, une pompe à chaleur air/eau, eau/eau ou hybride, un système solaire combiné ; compter jusqu’à 1200 euros pour installer une chaudière au gaz à très haute performance énergétique ; jusqu’à 800 euros pour installer un appareil de chauffage au bois très performant ; jusqu’à 700 euros pour effectuer le raccordement d’un bâtiment collectif à un réseau de chaleur ; jusqu’à 20 euros / m2 d’isolant posé pour isoler des combles / une toiture ; jusqu’à 30 euros / m2 d’isolant posé pour un plancher bas.
[6
Voir le dispositif « Habiter mieux agilité » de l’Anah. Le reste à charge peut bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique (30%) et de l’éco-prêt à taux zéro.
[7
Le PNCEE détermine les obligations individuelles des entreprises, instruit les demandes de délivrance des CEE, mène les opérations de contrôle et sanctionne les infractions.
[8
Voir la page 4 de ce rapport.
[9
Un CEE vaut aujourd’hui autour de 9 euros le mégawattheure, contre 5,50 euros à l’automne.

samedi 6 avril 2019

Comment utiliser la force sans la violence?

En route vers l'acte XXI, et les suivants!  Avec ou sans violences?
De quoi parle-t-on quand on parle de violences ? On ne peut pas mettre sur le même plan les destructions matérielles et les violences corporelles. Dans la loi comme dans le vocabulaire médical, la violence implique des atteintes physiques et, dans le cas des violences les plus graves, le risque de décès ou de blessures irréversibles.
À la fin du XIXe siècle, la France a fait partie des pays pour lesquels la démocratie impliquait que le gouvernement ne puisse plus tuer ses citoyens. Pendant plus d’un siècle, on a ainsi mis en place des pratiques pour respecter cet objectif, et notamment la mise à distance des manifestants et des forces de l’ordre. Au tournant du XXIe siècle, certains pays se sont fixé de nouveaux buts : la désescalade et l’absence de mutilations. En Angleterre, pendant les émeutes de 2011, des hommes politiques ont proposé d’utiliser des LBD (lanceurs de balle de défense), une arme dont la police britannique disposait pour gérer les prises d’otage ou maîtriser un forcené, notamment. Mais les autorités de la police de Londres ont refusé, pour ne pas détruire le modèle de police par consentement qu’ils prônent. Au dilemme qui se présentait à elles – peut-on rétablir l’ordre au prix de mutilations ? –, elles ont répondu par la négative. D’autres pays ont suivi la même voie, ceux d’Europe du Nord et même l’Allemagne, où est pourtant né le phénomène Black Bloc. La France, elle, ne s’est pas inscrite dans ce second mouvement de transformation du maintien de l’ordre et a fait le choix, comme la Pologne ou l’Espagne, d’autoriser ce type de violences. Elle a fait ce choix en armant davantage sa police, avec, entre autres, des LBD et des grenades de désencerclement.
Peut-on faire respecter l’ordre sans faire usage de la force ? Non, certainement pas. Mais, entre pays, il y a d’importantes différences de degré dans l’emploi de la force. Dans l’Égypte actuelle, le pouvoir ne s’impose aucune limite. Dans nos démocraties, ces limites existent. Aujourd’hui, en France, l’on devrait ouvrir un débat pour fixer cette limite, au vu des dégâts causés par des armes qui mutilent mais ne tuent pas, ou rarement. Car il n’est pas question d’incriminer les policiers eux-mêmes : on ne peut pas leur demander de désobéir à des stratégies qui leur sont imposées. Les pratiques de maintien de l’ordre sont toujours dépendantes des décisions politiques. Personne n’interdit aux pays du Nord d’utiliser des LBD. Mais ils se l’interdisent eux-mêmes, au nom de valeurs morales.

Il y a une vingtaine d’années, Berlin connaissait régulièrement des manifestations violentes. Une nouvelle municipalité a alors cherché des solutions de résolution de conflit alternatives, en associant par exemple plus largement la population à la célébration du 1er Mai avec de nombreuses animations, afin d’éviter les face-à-face avec des groupes radicaux. Mais aussi en ayant recours aux interpellations ciblées, afin d’arrêter les individus les plus destructeurs ! Dans les pays qui cherchent la désescalade, il y a également davantage d’échanges d’informations : les policiers sont mieux informés sur la diversité des groupes qu’ils ont face à eux, afin d’éviter l’indifférenciation – cette idée que tout le monde serait violent ou complice. Et les manifestants eux-mêmes sont informés, grâce à des haut-parleurs, des intentions ou des mouvements des policiers, pour éviter les charges ou les nasses qui peuvent créer de la panique ou de l’excitation. La désescalade doit ainsi servir à séparer les groupes problématiques de la masse des manifestants non violents, et à prévenir un niveau de conflictualité susceptible de produire de telles violences.

D'après Sébastian Roché, politiste, le 1 du 3 avril 2019 (Conversation avec Julien Bisson)