ATTENTION! Quand c'est flou, il y a un loup!
Peut-être faites-vous partie des usagers ayant reçu une offre commerciale proposant, pour un euro, de changer votre chaudière ou d’isoler vos combles. Plusieurs grands groupes énergétiques et enseignes de grandes surfaces s’engagent même à prendre en charge toutes les démarches, depuis la demande des aides jusqu’à l’avance de trésorerie [1].
Comment diable les entreprises peuvent-elles proposer des équipements ou des prestations à si bas prix ?
Ces offres sont financées par un dispositif peu connu : les certificats d’économie d’énergie.
Il faut se pencher sur la mention rédigée en minuscule qui accompagne ces offres : elles s’inscrivent dans le dispositif dit des « certificats d’économies d’énergie », sans autre précision...
Ces certificats ne vous disent absolument rien ? Pas étonnant. Selon un sondage Ifop réalisé en 2017, près de 9 Français sur 10 ne connaissent que vaguement, voire pas du tout ces certificats. Ils existent pourtant depuis 2005 [2].
Le principe: la France a instauré ces certificats avec l’idée d’appliquer le principe « pollueur payeur » aux vendeurs d’énergie - électricité, gaz, carburants, fioul - comme EDF, Engie ou Total. Tous les 3 ans, l’État leur fixe un objectif d’économie d’énergie [3].
Le fonctionnement: Pour prouver qu’ils ont atteint l’objectif, les fournisseurs d’énergie doivent produire ces certificats. Pour en obtenir auprès de l’Etat, ils ont deux possibilités :
Le principe: la France a instauré ces certificats avec l’idée d’appliquer le principe « pollueur payeur » aux vendeurs d’énergie - électricité, gaz, carburants, fioul - comme EDF, Engie ou Total. Tous les 3 ans, l’État leur fixe un objectif d’économie d’énergie [3].
Le fonctionnement: Pour prouver qu’ils ont atteint l’objectif, les fournisseurs d’énergie doivent produire ces certificats. Pour en obtenir auprès de l’Etat, ils ont deux possibilités :
- soit changer leur propre mode de production en allant vers davantage de sobriété, ce qui exige des choix drastiques;
- soit inciter leurs clients, dont les particuliers, à faire des économies d’énergie [4], ce qui est plus facile, à grand renfort de publicité!
C’est évidemment cette deuxième voie que les entreprises privilégient. C’est ce qui explique la profusion d’offres pour remplacer des chaudières par un équipement « moins polluant », ou pour faire des travaux de rénovation sensés générer des économies d’énergie.
- soit inciter leurs clients, dont les particuliers, à faire des économies d’énergie [4], ce qui est plus facile, à grand renfort de publicité!
C’est évidemment cette deuxième voie que les entreprises privilégient. C’est ce qui explique la profusion d’offres pour remplacer des chaudières par un équipement « moins polluant », ou pour faire des travaux de rénovation sensés générer des économies d’énergie.
Les conséquences: peu d'économies d'énergie, des travaux bâclés, de l'argent public gâché, du blanchiment d'argent, une pénalisation financière de tous les Français et surtout des locataires...
- Pas ou peu de contrôles: S’inscrire dans le programme de ces certificats d’économies d’énergie permet de bénéficier de subventions attribuées par le ministère de la Transition écologique et solidaire (200 millions d’euros sur la période 2018-2020). Ces subventions s’ajoutent aux aides publiques individuelles, allouées en fonction du type d’équipement, du gain énergétique estimé, ou du revenu du ménage [5]. Problème : rien ne garantit que ces nouvelles chaudières ou ces travaux de rénovation, financées en partie par de l’argent public, vont réellement générer les économies d’énergie annoncées. Aucun opérateur indépendant ne vérifie que les travaux entraînent réellement des économies d’énergie.
Prenons l’exemple d’une offre à un euro permettant aux ménages très modestes de remplacer, pose comprise, une vieille chaudière à énergie fioul ou gaz, par une pompe à chaleur air-eau.
Pour arriver à proposer une prestation à un euro, l’entreprise va demander une aide publique auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui s’ajoutera à un crédit d’impôt, voire à un prêt à taux zéro pour les particuliers [6]. Qui s’assurera ensuite que les économies d’énergie en théorie réalisées le seront dans la réalité ? « Il n’y a plus d’obligation depuis un an d’être accompagné par un opérateur indépendant pour contrôler les travaux réalisés. Ce qui fait douter de l’équipement technique qui va être posé et de la qualité de la pose », confie un conseiller Faire, service rattaché au ministère de l’Écologie qui guide les usagers dans leurs travaux de rénovation énergétique...
Pour arriver à proposer une prestation à un euro, l’entreprise va demander une aide publique auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui s’ajoutera à un crédit d’impôt, voire à un prêt à taux zéro pour les particuliers [6]. Qui s’assurera ensuite que les économies d’énergie en théorie réalisées le seront dans la réalité ? « Il n’y a plus d’obligation depuis un an d’être accompagné par un opérateur indépendant pour contrôler les travaux réalisés. Ce qui fait douter de l’équipement technique qui va être posé et de la qualité de la pose », confie un conseiller Faire, service rattaché au ministère de l’Écologie qui guide les usagers dans leurs travaux de rénovation énergétique...
- Des travaux très souvent bâclés: De récentes enquêtes confirment que les chantiers sont régulièrement bâclés par des entreprises qui font baisser les coûts afin de rentrer dans le plafond des aides. En février 2019, l’UFC-Que Choisir tire la sonnette d’alarme dans une étude sur les certificats d’économie d’énergie. L’association de consommateurs pointe les carences d’un « dispositif mal connu, complexe, inique et in fine insuffisamment efficace ». Elle rappelle qu’un « pôle national des certificats d’économies d’énergie » (PNCEE) a été créé afin d’assurer la gestion du dispositif [7]. « Cependant, avec 14 personnes, les moyens du PNCEE restent très limités pour effectuer les contrôles. Selon le ministère, seulement 165 dossiers ont été contrôlés depuis 2015, ce qui laisse une place aux risques de fraude », souligne l’association de consommateurs.
Les contrôles sont donc très faibles au regard des dizaines de milliers de chaudières, appareils de chauffage au bois, pompes à chaleur, mètres carré d’isolants, ayant été installés ou posés entre 2006 et 2014 dans le cadre des certificats d’économie d’énergie.
- Des économies d'énergie très décevantes : L’Agence nationale de l’habitat exigeait jusqu'en septembre 2018 que les travaux améliorent d’au moins 25 % la performance énergétique. Cette obligation a été supprimée en septembre 2018 par le gouvernement. Or, même avant la suppression de cette obligation, le dispositif était déjà controversé pour son manque d’efficacité. Sur les relevés de consommation de 5000 foyers ayant effectué des travaux d’efficacité énergétique, dont l’installation de chaudières, une étude menée par GDF-Suez, devenu Engie, a montré que les économies d’énergie étaient en moyenne de 50 % inférieures aux économies annoncées [8]. Qu’en sera-t-il avec la fin de cette obligation ? Un milliard d’euros d’argent public sans garantie d’amélioration de performance énergétique!
Revenons à nos ménages optant pour une pompe à chaleur. Si un seul euro est déboursé lors de l’installation, la facture liée à la consommation peut entraîner quelques désillusions. « Le coefficient de performance énergétique d’une pompe à chaleur dépend, entre autres, de l’isolation de la maison. Si la maison n’a pas été isolée, la consommation d’électricité peut être potentiellement très importante », explique un conseiller Faire. Or, c’est justement au nom de « la lutte contre le réchauffement climatique » et de « l’amélioration du pouvoir d’achat des Français » que le gouvernement finance, à hauteur de un milliard d’euros sur deux ans, le remplacement de 600 000 chaudières au gaz et au fioul. Mais si les logements demeurent mal isolés, l’économie d’énergie sera très faible...
- Un trafic de certificats d'économie d'énergie qui amène les entreprises, par du blanchiment d'argent, à « financer des réseaux criminels transnationaux»! En effet, pour arriver à proposer une prestation à un euro, les fournisseurs d’énergie s’appuient sur deux piliers: d'une part, on l'a vu plus haut, sur des aides publiques (le montant des aides de l’Anah peut aller jusqu’à 50 % du montant des travaux), et d'autre part, sur le marché des certificats d’économie d’énergie. Certaines entreprises atteignent leurs objectifs, voire les dépassent, et se retrouvent avec trop de certificats attribués par l’État! D’autres entreprises, au contraire, peinent à vendre des prestations auprès des particuliers. Elles cherchent donc à racheter des certificats pour éviter des pénalités financières.
Comme dans le cas des émissions carbone, un marché des certificats d’économie d’énergie a été mis en place à l’échelle nationale. Impossible d’en savoir plus : Powernext, la société privée qui s’est vue confiée le registre national des CEE depuis 2017, ne répond pas aux questions. On aimerait pourtant en savoir plus sur ce marché en pleine expansion après la lecture d’un rapport de Tracfin, le service de Bercy chargé de la lutte contre le blanchiment, publié en 2016. Celui-ci met très clairement en garde contre les « acteurs mal intentionnés » arrivant sur ce marché.
Le rapport cite notamment l’exemple d’une société ayant produit de fausses attestations de travaux. Elle a obtenu au total l’équivalent de 7 millions d’euros de certificats d’économie d’énergie ! Selon Tracfin, le dispositif « s’apparente à un mécanisme par lequel les grands groupes de l’énergie française sont amenés à financer des réseaux criminels transnationaux ». Un an plus tard, l’organisme de lutte contre la fraude financière continue de lancer l’alerte : le « resserrement de la réglementation pousse les fraudeurs à s’adapter », observe son rapport 2017, qui pointe du doigt « les risques présentés par les chaînes de sous-traitance »...
- C'est nous tous qui payons! Ce dispositif coûte en réalité entre 100 à 150 euros par an sur la facture de tous les ménages!
Qui paie au final le véritable prix des chaudières ou travaux d’isolation à 1 €, dont l’efficacité réelle est discutable ? Tous les usagers ! Le coût est répercuté sur la facture d’électricité payée par l’ensemble des Français – environ 1,80% du montant total de la facture en 2018, comme le concède le groupe Effy, spécialisé dans les économies d’énergie. Cette facture pourrait grimper cette année avec la hausse du prix du certificat qui s’échange sur le marché [9]. Si l’on prend en compte les factures pour le logement et les dépenses de carburant, le coût de ces certificats représente au total « 3 à 4 % des dépenses énergétiques des Français », selon le calcul des associations de consommateurs. Soit entre 100 et 150 euros par ménage et par an, toutes énergies confondues - électricité, gaz, carburants compris.
Ce dispositif suscite aussi des inégalités entre d’un côté, les 58 % de ménages propriétaires de leur résidence principale, et de l’autre, les locataires. Ces derniers financent de fait le dispositif dans leur facture d’électricité. Mais peu d’entre eux réaliseront de coûteux travaux de rénovation dans un logement qui ne leur appartient pas. Selon l’Insee, moins de 5% des locataires effectuent des dépenses pour diminuer leur consommation d’énergie contre 22% pour les propriétaires. Des ampoules Led ou des lave-linges peuvent être éligibles à des certificats, mais au prix de quelques tracasseries administratives... « En tant que simples usagers de leur logement ils n’ont aucun intérêt à réaliser d’onéreux travaux d’économie d’énergie sachant qu’ils ne pourraient que peu en profiter, et sont donc exclus des avantages financiers des certificats d’économie d’énergie », résume l’UFC Que Choisir. Pour rééquilibrer le dispositif, l’association propose la création d’un malus qui sanctionnerait les bailleurs proposant un bien énergivore à la location, et d’un bonus récompensant ceux qui proposent un logement performant.
Dans une question posée fin 2018 au gouvernement, le sénateur centriste Hervé Maurey alerte sur les limites des certificats d’économie d’énergie. Il plaide pour leur évolution « vers plus d’efficacité et de transparence ». Sa question est pour l’instant restée sans réponse.
Le gouvernement s'enfonce dans le déni!
C’est pourtant sur ce dispositif que mise aujourd’hui principalement le gouvernement pour inciter les particuliers, les entreprises, les collectivités et les administrations à réaliser des économies d’énergie. Un rapport de la Cour des comptes publié en 2016 souligne que les certificats d’économie d’énergie auraient contribué à financer des travaux d’économies d’énergie – installation de chaudières individuelles, de pompes à chaleur, isolation, remplacement de fenêtres, etc. – à hauteur de 24 milliards d’euros...
Le gouvernement s'enfonce dans le déni!
C’est pourtant sur ce dispositif que mise aujourd’hui principalement le gouvernement pour inciter les particuliers, les entreprises, les collectivités et les administrations à réaliser des économies d’énergie. Un rapport de la Cour des comptes publié en 2016 souligne que les certificats d’économie d’énergie auraient contribué à financer des travaux d’économies d’énergie – installation de chaudières individuelles, de pompes à chaleur, isolation, remplacement de fenêtres, etc. – à hauteur de 24 milliards d’euros...
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