(d'après Le Réveil Paysan, n°103, juillet 2016)
Extrait d'une conversation lors du déjeuner chez un maraîcher bio.
Un jeune paysan en cours d'installation raconte :
- « La semaine dernière, au cours d'une formation, je discutais avec des collègues sur le bio. Mais c'était compliqué d'échanger.
- Ah... mais pourquoi?
- Quand je leur ai demandé ce qu'il pensaient de l'agriculture biologique, ils m'ont répondu que « de toute façon, eux, le bio, ils n'y croient pas. »
La conversation se poursuit, un peu désabusée, quand la petite fille du maraîcher, 7 ans, intervient :
- Chépacheqeyonpaechéyé
- S'il te plaît, ne parle pas la bouche pleine.
- Pardon. C'est parce qu'ils n'ont pas essayé.
- Qui n'a pas essayé quoi ?
- Les gens de la formation. Ils disent qu'ils croient pas au bio. C'est parce qu'ils n'ont pas essayé. »
CQFD ? Pas si simple, bien sûr... il est plus facile de rester sur les positions les plus « conformes ».
Essayer de retenir la grêle, ça on est tous d'accord, c'est compliqué. A moins d'investir dans de coûteux filets... Pourtant, elle s'est abattue avec fracas sur ma commune, comme sur de nombreux secteurs des Coteaux du Lyonnais, ce vendredi noir du 24 juin. Les dégâts sont considérables. Comment aider les paysans qui sont mis en graves difficultés en raison d'un phénomène météo ?
Un autre projet va faire des dégâts et de long terme dans les Coteaux, mais celui-ci on peut essayer de l'éviter : l'A45. Un projet aussi inutile, qui double une autoroute existante, détruisant au passage 500 hectares de terres agricoles... Est-ce difficile d'essayer de penser le développement autrement ? Le changement climatique et la fin de l'énergie bon marché nous obligeront à un changement de mode de vie : consommer localement, donc rapatrier nos emplois. Et l'agriculture locale aura un rôle majeur à jouer. Arrêtons donc de la massacrer aujourd'hui sur l'autel d'un modèle fini. Le progrès, c'est aussi d'accepter de regarder en arrière et d'apprendre
de nos erreurs.
Au sujet des pesticides, il est vrai que selon les productions, il est plus ou moins compliqué d'essayer. Mais ce qui existe est possible ! Les alertes, tant pour la santé des agriculteurs qui les utilisent que pour celle des consommateurs, sans parler du désastre sur les abeilles... sont nombreuses. Alors allons voir ceux qui ont défriché les difficultés, développé des savoir-faire et accumulé de l'expérience ! Les gouvernements successifs et les élus (députés et sénateurs), quant à eux, avancent à tout petits pas, voire plus lentement encore si c'est possible, sur le chemin de la réduction de ces pesticides. Les interdictions vont finir par tomber.
Au sujet de la crise du lait... et si on essayait des quotas de production ? Ah, cela a déjà été essayé ! Cela a relativement bien fonctionné d'ailleurs, mais sans doute pas assez pour les profits des multinationales laitières. Bon, alors si on essayait de limiter les volumes produits... de façon obligatoire. Car sur la base du volontariat, nous savons d'avance ce que ça donnera... Rien.
Bref, et si on essayait ! C'est chouette d'essayer. Ce n'est pas seulement de l'audace, c'est la découverte, l'expérimentation, l'appropriation de nouvelles idées, méthodes, techniques, de nouveaux modèles, outils, etc. Et cela change de la résignation et du fatalisme ambiants.
Ah ce que j'aimerais que les hommes et femmes, politiques ou pas, en charge de responsabilités et qui tentent de régir nos vies aient plus de courage...
Qu'ils retrouvent parfois leur sincérité d'enfant, cessent de céder aux lobbies industriels et osent soutenir un développement différent.
Nicolas AYMARD, maraîcher à Chaussan
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