samedi 27 octobre 2018

La chasse, vous en pensez quoi?

Savez-vous qu'il existe au sein des chasseurs, une caste de gens plus intéressés par le pouvoir que par la vie rurale et les territoires?


 d'après Reporterre 13 octobre 2018 Cael Collins, paysan en cours d’installation dans le sud de la France 
     
Qui sont les chasseurs ? Hérauts de la ruralité ? « Premiers écologistes de France » ? Une « caste » imposée d'en haut aux campagnes? et quelle est la qualité de la formation pour le permis?


Dans le contexte d’une vie rurale et agricole, le permis de chasse répond à deux préoccupations : gérer la pression de certaines espèces pouvant devenir nuisibles et, surtout pour nombre d'agriculteurs, se prémunir de la malveillance d’organisations de chasse qui ont aujourd’hui la mainmise sur les territoires ruraux.

Il faut avoir été mis face à la réalité de ce qu’est aujourd’hui la chasse sur un  territoire : « Tu ne fais pas de vagues sinon attends-toi à des ennuis. » Les ennuis pour les paysans aujourd’hui qui ne chassent pas, ça passe aussi bien par des clôtures coupées, des attaques malencontreuses de chiens de chasse sur les bêtes que par une ostracisation pure et simple d’une partie de la vie locale. Problématiques que subissent aussi plus ou moins fortement tous ceux qui osent questionner les pratiques d’une partie des chasseurs.

Autour de la chasse se rejoue dans l’imaginaire de certains ruraux, l’idée d’une lutte contre une gestion par les urbains, par une élite, par les dominants culturels de leurs territoires. Les diktats de ceux « qui n’y connaissent rien à la campagne et qui de toute façon ne vivent pas ici ». 
Il ne faut pas rejeter en bloc le mépris de classe qui a pu se glisser insidieusement dans la critique de la chasse qui est faite dans les milieux de gauche, et dont le sketch des Inconnus sur la chasse à la bécasse est une parfaite illustration. Le tableau est simple et vite brossé pour ceux qui veulent s’en tenir aux clichés : la chasse serait une activité de beaufs bourrins, avinés et ignares. 
Mais c'est plus compliqué que cela. 

La chasse requiert, ou du moins devrait requérir, de nombreux savoirs naturalistes et répondre pour quelques espèces à des besoins concrets de gestion écologique des milieux.

Mais, depuis des années, nous avons laissé la chasse aux mains d’une caste de gens peu compétents, polarisés vers la droite et ses valeurs réactionnaires et par ailleurs plus intéressés par le pouvoir que par la vie rurale et les territoires.

Aujourd’hui, la FNC(Fédération nationale des chasseurs) se targue dans sa belle campagne publicitaire d’être le bastion des premiers écologistes de France en nous présentant un sanglier sur l’affiche. 


On croirait une blague, à destination des seuls gens des villes dans ce cas. Car pas un rural n’ignore que c’est notamment la gestion cynégétique catastrophique des sangliers qui en fait aujourd’hui l’un des principaux nuisibles dans les campagnes. 
Les tensions entre les chasseurs et les agriculteurs dans certains territoires ne sont pas une légende. Comment interpréter le refus fréquent des chasseurs de tirer les gros sangliers sous prétexte que s'ils le font, "il n'y en aura plus l'année prochaine"! Vive alors la prolifération des sangliers et la destruction des cultures...
Un exemple parmi d’autres qui illustre le décalage entre la réalité de la majorité des territoires et la parole d’un lobby qui s’encombre peu des faits.

C'est pourquoi la pratique de la chasse sur le modèle actuel conduit à la disparition de nombreuses espèces [1], et à la prolifération de quelques autres en raison de leur introduction systématique et intempestive.
Pourtant, la France continue d’avoir une des législations les plus permissives d’Europe sur la chasse. L’organisation bien huilée du lobby de la FNC en fait un allié de choix pour n’importe quel politicien arriviste voulant redorer son image rurale. Ainsi, peu d’hommes ou de femmes politiques se sont risqués à réglementer cette activité.

La préparation du permis de chasse est un bon exemple en soi de l’accaparement de la chasse par les lobbys. 


La préparation du permis de chasse est uniquement dévolue à la FNC, bien que l’ONCFS [Office national de la chasse et de la faune sauvage, organisme public] prenne en charge le passage de l’examen. 
Les deux demi-journées de « formation FNC » visant à vous permettre de porter une arme à feu se résument peu ou prou à un conditionnement benêt. On vous invite d’abord, plus ou moins cordialement, à apprendre par cœur les séries de questions posées à l’examen. Voilà en deux heures chrono, vous êtes sensés avoir été « formé » à l’ensemble des savoirs théoriques concernant la sécurité du maniement d’une arme à feu, la législation en vigueur et, bien sûr, les connaissances naturalistes sur les 64 espèces chassables en France. Pas de temps pour les questions, désolé.
La formation pratique est presque risible. La pédagogie consiste principalement à demander aux stagiaires de reproduire par cœur un parcours disponible sur YouTube en amont de la formation, comprenant notamment le démontage d’un fusil semi-automatique. Pour les personnes n’ayant jamais manié une arme, l’exercice est plus qu’ardu...
Bref, 46 €, voilà ce qu’il en coûte pour devenir chasseur en France. L’objectif est clair pour la FNC : rajeunir une population adhérente vieillissante et grossir les chiffres du nombre de ses membres puisqu’on se doit d’adhérer au lobby pour pratiquer la chasse chaque année.

De nombreux chasseurs qui envahissent nos campagnes le temps d’un weekend, s’imposent par leur argent.

Sur la minorité que représentent les chasseurs au sein du monde rural [2], une bonne partie qui tient les rênes de la FNC utilise cette pratique pour mener un combat idéologique anti-environnementaliste. 
Ces personnes ne vivent pas toutes en milieu rural, elles ne pratiquent pas une chasse locale sur leur territoire mais envahissent nos campagnes le temps d’un weekend, s’imposant par leur argent avec lequel elles achètent les autorisations de chasse, et opposant diverses incivilités à tous ceux qui auraient le toupet de vouloir leur rappeler le cadre légal. La coupe de clôture semble ainsi être le sport de prédilection. Simple à réaliser, impossible à contrecarrer et causant des désagréments maximaux aux agriculteurs.


Ce sont ces chasseurs-là qui sont courtisés par le gouvernement et/ou que le gouvernement remercie aujourd’hui quand il modifie le prix de la validation du permis de chasse annuel sur le territoire national. 
En effet, seuls 8 % des chasseurs disposent aujourd’hui de ce permis très onéreux — 400 € par an auparavant et 200 € par an désormais —, 86 % se contentant de permis départementaux pour chasser autour de chez eux (moins de 50 euros selon le département). 
En divisant le prix par deux du permis national, le gouvernement entend donc faciliter le déracinement entre chasse et ruralité portant porté en étendard par la FNC. Hypocrisie encore et encore.

En attendant, chaquee weekend un « accident malheureux », diront certains, s’ajoute à la liste des « accidents malheureux » périodiques liés à la pratique de la chasse. 
Des accidents qui n’ont rien de surprenant quand on constate le peu d’exigences requises pour manier une arme de chasse en France. 
Il y aurait donc beaucoup à faire pour réformer, réglementer et contrôler cette pratique. Mais l’urgence, selon le gouvernement, est de rendre la chasse plus accessible…

Cerise sur le gâteau: depuis  le 2 janvier 2018, grâce au Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage, les chasseurs français ont officiellement le droit d’équiper leurs armes de silencieux (également appelés réducteurs de son ou modérateurs de son) afin de chasser en battue ou à l’approche. Cette mesure met en danger les promeneurs, favorise le braconnage et la chasse des espèces protégées,  y compris sur le terrain d'autrui, permet de tirer à plusieurs reprises sans que l'animal ne prenne peur...


[1] Sur les 64 espèces d’oiseaux dont la chasse est autorisée, 20 sont placées sur la liste rouge de l’Union internationale de la protection de la nature.

[2] 1,1 million de chasseurs sur 13,4 millions de ruraux environ, soit un peu plus de 8 % des ruraux.


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