"Au village avec Maya
Samedi matin au marché de Vaugneray. Je tiens par la main
Maya, ma petite fille. Devant la boucherie je découvre un attroupement de
mamans et de mamies accompagnées de bambins dans des poussettes.
Un attroupement à Vaugneray ! Manif du 1er mai anticipée ? Célébration
du travail des mamans ? Pourtant, on
n'est que le 30 avril. "Ah, vous aussi vous êtes obligée de marcher sur la
chaussée avec votre petite fille !", me dit une dame, qui veille sur une
poussette garée sur la chaussée. Je suis repérée comme conseillère municipale.
On me demande si cela va se faire un jour, la mise à sens unique de la rue, et
le trottoir devant la boucherie. Je réponds que la décision de faire l'essai
d'un sens unique a été prise en Conseil il y a trois ans, mais qu'elle n'a été
suivie d'aucun effet.
Deux voitures tentent de se croiser à cet endroit, nous
formons un obstacle qui ralentit la circulation. L'attroupement joue bien son
rôle de "manif" : une manif contre le croisement des voitures dans le
centre-bourg !
Une dame raconte qu'elle en a touché deux mots au maire, parlé
de "pétition". Pétition ? Manif ? Mais jusqu'où les Valnégriennes
iront-elles ? Je promets de poser la question du sens unique à la fin du
prochain Conseil.
On me dira sans doute que des difficultés techniques ont
stoppé net l'essai de sens unique. Mais des solutions techniques ne
peuvent-elles être envisagées ? Les travaux à prévoir seraient-ils trop chers
pour notre budget ? Alors, il faut cesser de dire que les recettes de l'impôt
sont suffisantes !
Maya et moi continuons notre promenade. Dans le jardin
Joseph Vialatoux, Maya est déçue : pas de balançoire, pas de toboggan, rien
pour les enfants ! Les mamans ou les papas qui, tout en gardant leur
progéniture, souhaiteraient se nourrir de la sagesse de notre philosophe
valnégrien, ne sont pas les bienvenus. L'un des textes dit ceci :
"L'homme ne peut s'accomplir que moyennant des œuvres
et en œuvrant. Le travail fait œuvre humaine."
Deux jeunes garçons jouent sur la pelouse avec de la pâte à
modeler qu’ils ornent de fleurs de pissenlits. "On fait des œuvres
d'art", me disent-ils. Le philosophe (qui, soit dit en passant, était un
homme admirable), a vu juste : le travail lorsqu'il fait "œuvre", lorsqu’il est « vrai », est bien ce
qui permet à l'homme de s'accomplir. Alors, ouvrez tout grand les portes de ce
sanctuaire de la pensée philosophique ! Laissez-y entrer la vie, les enfants, les
mamans et les papas ! Chacun pourra, à sa façon, y faire son œuvre."