vendredi 14 février 2014

L'amour du prochain?

En ce lendemain de Saint Valentin, Annie Ramel, l'une de nos colistières, nous soumet ce texte très pertinent:

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même" : ce précepte nous vient de la Bible, du judaïsme et du christianisme[1]. Pour Freud, il fait énigme, car nous dit-il l'homme n'est pas un être débonnaire, il est "tenté de satisfaire son besoin d'agressivité aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer"[2].

Pourtant, l'amour du prochain peut faire lien social et conduire à des avancées majeures dans la civilisation. En Angleterre, l'esclavage a été aboli en 1833 grâce à l'action militante du philanthrope William Wilberforce, un homme politique qui s'engagea comme réformateur par conviction religieuse. Pas très loin de notre village, au Chambon-sur-Lignon, il a suffit qu'un homme de foi, le pasteur Trocmé, appelle ses fidèles à voler au secours des enfants juifs persécutés pour que 5000 enfants soient sauvés.

Le christianisme a-t-il l'exclusivité de "l'amour du prochain" ? Non, bien sûr. Il n'en est pas non plus l'origine unique : Bouddha a prôné l'amour du prochain 500 ans avant Jésus-Christ. La pénétration progressive en Occident par le Moyen-Orient et la Grèce de ce concept né en Asie a pu jouer un rôle dans la naissance du christianisme. La "fraternité" est une devise républicaine. Les avancées sociales de ce siècle et des deux qui l'ont précédé ont été plus souvent le fruit d'un militantisme "de gauche" que l'œuvre de chrétiens soucieux de partager leur richesse avec leur prochain. En France, c'est la Seconde République qui a interdit définitivement l'esclavage. 

Les valeurs de gauche trouveraient-elles leurs racines dans le précepte de "l'amour du prochain" ? Voilà une hypothèse qui risque de déplaire à certains, et qui de toute façon demanderait à être vérifiée. Pourtant il y a des hommes et des femmes qui ont cru à la valeur politique de cette devise. Simone Weil (1909-1943), communiste anti-stalinienne, s'obligea à vivre avec cinq francs par jour pour donner le reste de son salaire de professeur à la Caisse de Solidarité des mineurs en grève du Puy. C'était aussi une mystique qui se rapprocha de prêtres et de religieux, sans pour autant se convertir.


On nous pose souvent des questions sur l'affiliation politique de notre liste aux municipales de Vaugneray. 
Nous répondons que nous sommes une liste "plurielle"—pas "apolitique" puisque nous avons un programme qui est forcément "politique", programme où chacun d'entre nous se retrouve. 

Le maire sortant étant soutenu par l'UMP et par le député UMP de la circonscription, nous sommes forcément catalogués comme "divers gauche", dans un monde où tout fonctionne sur le mode binaire. 
En réalité notre diversité est bien plus radicale : il y a parmi nous des gens sans étiquette politique, des catholiques convaincus, ainsi que trois personnes membres de partis de gauche. Parmi ces trois personnes, curieusement, deux sont catholiques pratiquants et bénévoles aux Restaurants du Cœur. Et la troisième donne des cours d'alphabétisation aux Petits Frères des pauvres.
À votre avis, la "solidarité" inscrite dans notre programme, elle est de gauche ou de droite ?






[1] Livre du Lévitique, 19, 18 ; Évangile de Mathieu 19, 19 ; 22, 39 ; Évangile de Marc 12, 31 ; Évangile de Luc, 10, 27.
[2] S. Freud, Malaise dans la civlisation, Paris, PUF, 1971, p. 64. Cité par Philippe Julien, L'étrange jouissance du prochain, Paris, Seuil, 1995, pp. 22-23.

1 commentaire:

  1. J'adore le dessin humoristique ! Et la référence à Tintin. Cela met une note d'humour qui est bienvenue sur le sujet. Un sujet pas simple.

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