En ce lendemain de Saint Valentin, Annie Ramel, l'une de nos colistières, nous soumet ce texte très pertinent:
"Tu aimeras ton prochain comme
toi-même" : ce précepte nous vient de la Bible, du judaïsme et du christianisme[1]. Pour
Freud, il fait énigme, car nous dit-il l'homme n'est pas un être débonnaire, il
est "tenté de satisfaire son besoin d'agressivité aux dépens de son
prochain, d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser
sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier,
de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer"[2].
Pourtant, l'amour du prochain peut
faire lien social et conduire à des avancées majeures dans la civilisation. En
Angleterre, l'esclavage a été aboli en 1833 grâce à l'action militante du
philanthrope William Wilberforce, un homme politique qui s'engagea comme réformateur
par conviction religieuse. Pas très loin de notre village, au
Chambon-sur-Lignon, il a suffit qu'un homme de foi, le pasteur Trocmé, appelle
ses fidèles à voler au secours des enfants juifs persécutés pour que 5000
enfants soient sauvés.
Le christianisme a-t-il
l'exclusivité de "l'amour du prochain" ? Non, bien sûr. Il n'en est
pas non plus l'origine unique : Bouddha a prôné l'amour du prochain 500 ans
avant Jésus-Christ. La pénétration progressive en Occident par le Moyen-Orient
et la Grèce de ce concept né en Asie a pu jouer un rôle dans la naissance du
christianisme. La "fraternité" est une devise républicaine. Les
avancées sociales de ce siècle et des deux qui l'ont précédé ont été plus
souvent le fruit d'un militantisme "de gauche" que l'œuvre de chrétiens
soucieux de partager leur richesse avec leur prochain. En France, c'est la
Seconde République qui a interdit définitivement l'esclavage.
Les valeurs de
gauche trouveraient-elles leurs racines dans le précepte de "l'amour du
prochain" ? Voilà une hypothèse qui risque de déplaire à certains, et qui
de toute façon demanderait à être vérifiée. Pourtant il y a des hommes et des
femmes qui ont cru à la valeur politique de cette devise. Simone Weil
(1909-1943), communiste anti-stalinienne, s'obligea à vivre avec cinq francs par jour pour donner le reste de son
salaire de professeur à la Caisse de Solidarité des mineurs en grève du Puy. C'était
aussi une mystique qui se rapprocha de prêtres et de religieux, sans pour
autant se convertir.
On nous pose souvent des questions
sur l'affiliation politique de notre liste aux municipales de Vaugneray.
Nous
répondons que nous sommes une liste "plurielle"—pas
"apolitique" puisque nous avons un programme qui est forcément
"politique", programme où chacun d'entre nous se retrouve.
Le maire
sortant étant soutenu par l'UMP et par le député UMP de la circonscription, nous
sommes forcément catalogués comme "divers gauche", dans un monde où
tout fonctionne sur le mode binaire.
À votre avis, la
"solidarité" inscrite dans notre programme, elle est de gauche ou de
droite ?
[1] Livre du Lévitique, 19, 18 ; Évangile de Mathieu 19,
19 ; 22, 39 ; Évangile de Marc 12, 31 ; Évangile de Luc, 10, 27.
[2] S. Freud, Malaise
dans la civlisation, Paris, PUF, 1971, p. 64. Cité par Philippe Julien, L'étrange jouissance du prochain, Paris,
Seuil, 1995, pp. 22-23.
J'adore le dessin humoristique ! Et la référence à Tintin. Cela met une note d'humour qui est bienvenue sur le sujet. Un sujet pas simple.
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