lundi 23 juin 2014

La fin du mythe du nucléaire bon marché

(d'après D.Baupin, député, rapporteur de la commission parlementaire d'enquête sur le coût du nucéaire- paru le 11 juin 2014 - Actualités Assemblée nationale)

Suite au rapport de la commission d’enquête parlementaire, plus personne ne pourra prétendre que le nucléaire est bon marché et que la prolongation du parc serait une simple formalité.

Depuis 6 mois en effet, une commission d’enquête a travaillé sur les coûts du nucléaire, que l’on nous présente souvent comme une filière bon marché, compétitive, amortie. Le rapport de la commission a été remis le 10 juin au président de l’Assemblée nationale.
 
Remise du rapport de la commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire par M Denis Baupin, rapporteur, et M François Brottes à M Claude Bartolone
L'objectif de cette commission d’enquête était de faire toute la transparence et de contribuer à rétablir la vérité des prix entre les différentes énergies. Alors que s’élabore la loi sur la transition énergétique et avant que les parlementaires soient amenés à définir la stratégie énergétique de la France, il était indispensable de sortir des idées reçues. Cet objectif a été clairement atteint.

Certes la commission parlementaire n'a pas pu faire toute la lumière sur une filière cultivant l’opacité (mais ces incertitudes en disent même parfois plus long)
mais cela a été l’occasion de mettre sur la table des chiffres dont tout le monde n’avait pas conscience… Certains avançaient même l’idée d’une « rente nucléaire ».
Voici les chiffres en question:
  • Augmentation des coûts de production du nucléaire de 21% en 3 ans (et qui continueront de croître dans les années à venir) ; 
  • « mur d’investissement » de 110 milliards à venir sur les réacteurs existants pour les faire tenir jusque 40 ans (et au minimum 60 milliards supplémentaires si on les prolongeait à 60 ans) ; 
  • un coût de l’EPR (Réacteur Pressurisé Européen ou réacteur de troisième génération) multiplié par 3 ; 
  • une sous-évaluation manifeste de coûts pourtant conséquents concernant le démantèlement, la gestion des déchets, et évidemment le risque d’accident et donc l’assurance (la Cour des Comptes écrit que, de fait, l’Etat assure « gratuitement » le risque)… 
Ce rapport ne se contente pas d’énumérer des constats. Il propose aussi l’adoption de mesures concrètes

  • sur la reprise en main par l’Etat de la politique énergétique ; 
  • sur le passage à 50% de nucléaire en 2025 (dont le directeur énergie du ministère de l’Ecologie a indiqué que cela signifierait que 20 réacteurs seraient alors inutiles) ; 
  • sur la recherche sur le stockage des déchets; 
  • sur la protection des travailleurs sous-traitants… 
Ces recommandations seront autant de points d’appui pour la future loi.


Cette loi devra comporter à la fois: 
  • des mesures fortes pour moins gaspiller notre énergie (c’est l’enjeu de l’efficacité énergétique), 
  • des dispositifs d’aides au développement rapide des énergies renouvelables, et 
  • la baisse programmée de la production d’électricité d’origine nucléaire de 75 à 50 % en 2025.
Mais les choses doivent être très claires : on ne peut se contenter d’une simple affirmation d’un objectif de 50%. La loi devra définir les moyens permettant de l’atteindre : 
  • une programmation pluri-annuelle qui organise la décroissance de la puissance nucléaire, mais aussi, en parallèle, la croissance de la puissance éolienne, solaire, géothermique, biomasse, marine, etc., et 
  • une capacité de l’Etat à intervenir sur tel ou tel réacteur (particulièrement à sa 40ème année) si EDF ne se conformait pas à ses orientations. C’est à l’Etat de piloter EDF… et non l’inverse !
Cette loi doit permettre de montrer que la réponse à un impératif environnemental va de pair avec une avancée pour le pouvoir d’achat (particulièrement pour les précaires) par l’efficacité énergétique, pour l’économie et pour l’emploi. 

Au moment où l’économie est en berne, c’est dans les filières les plus intensives en emplois (qui plus est non délocalisables) qu’il faut concentrer les investissements. C’est précisément le cas des énergies renouvelables, de la réhabilitation thermique des bâtiments, des transports collectifs, des véhicules sobres… où des centaines de milliers d’emplois peuvent être créées.

On nous dit souvent que la transition énergétique a un coût. Il ne s’agit pas d’un coût mais d’un investissement. 

La non-transition énergétique, elle, est bien plus coûteuse. Aux coûts du nucléaire et du dérèglement climatique, s’ajoutent les 70 milliards d’euros (et 500 milliards à l’échelle de l’UE) dépensés chaque année pour importer des énergies fossiles (et le coût géopolitique gigantesque de notre inaction énergétique). Chacun peut imaginer à quel point il serait économiquement bien plus sensé de les dépenser sur notre territoire qu’en importations.

La France ne peut pas se permettre de rater le virage énergétique pris par nos voisins. En mettant fin au mythe du nucléaire bon marché qui entrave toute évolution de la politique énergétique de la France depuis des décennies, le rapport de la commission parlementaire a marqué des points. Il reste à transformer l’essai. 

La loi de transition énergétique, dont le projet a été présenté le 18 juin par le gouvernement, ne sera certes pas le « Grand Soir » de la sortie du nucléaire. Mais elle constituera peut-être une avancée.


1 commentaire:

  1. Pas clair du tout en effet. Votre lien est très intéressant. Merci

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