jeudi 7 juillet 2016

1916: Un notaire de Vaugneray, compagnon de tranchée du poète Guillaume Apollinaire!

Il y a 100 ans...

De nombreux Valnégriens sont tombés sur les champs de bataille de la Première guerre mondiale. Il semble que l'un des notaires de Vaugneray ait été compagnon d'armes du poète Guillaume Apollinaire...


Guillaume Apollinaire (né Wilhelm Albert Wodzimierz Apolinary de Kostrowicki) est un poète né le 26 août 1880 à Rome. Il est considéré comme l'un des poètes français les plus importants du début du XXe siècle, auteur de poèmes tels que Zone, La Chanson du Mal-Aimé, ou encore Mai, Le Pont Mirabeau ; son œuvre érotique (dont principalement un roman et de nombreux poèmes) est également passée à la postérité. Il expérimente un temps la pratique du calligramme.


(d'après Alexandra Schwartzbrod, chroniqueuse littéraire à Libération- 2 mars 2016)
Dans la tranchée, ils se sont tous donné des surnoms. L’état civil, pour eux, c’est bon pour les «inscriptions sur des tombes». Celui qui a une petite tête sur une grosse bedaine, on l’appelle le père Ubu. Il est content, on lui a dit qu’Ubu était roi. Le notaire à Vaugneray, lui, on l’a baptisé le caporal Dontacte. Le tireur d’élite, bizarrement, répond au nom de Trouillebleu, parce qu’il est «snaille-peur, comme disent les Anglais»,«et qu’il n’aime pas tuer les gens». Jojo-la-Fanfare, on s’en doute, chante à tue-tête pour conjurer la mort. «Un poilu sans poils. Un "bleu" dans sa vareuse bleue de régiment. […] S’il faisait moins l’imbécile, il aurait des allures de guerrier grec.»
Et il y en a un, le chef de section, qui a un nom impossible, le sous-lieutenant Gui de Kostrowitzky. Et qui écrit tout le temps. Ses hommes l’appellent «Cointreau-whisky», Parce qu’il picole. Et parce qu’il a «un deuxième prénom, une sorte de pseudo, Apollinaire, qui ne leur a pas plu. Qui ne convient pas ici, à la guerre».

Impossible de lâcher ce livre une fois entamé. C’est un compte à rebours, celui des vingt-quatre heures ayant précédé cet instant où Guillaume Apollinaire, engagé volontaire dans l’armée française, sera touché à la tempe par un éclat d’obus en mars 1916, alors qu’il lit le Mercure de France «dans une tranchée de première ligne, au lieu-dit le Bois des Buttes». Le poète n’en mourra pas, du moins pas tout de suite. Affaibli par sa blessure, il succombera à la grippe espagnole en 1918.
En attendant, comme il l’explique à un de ses chefs, il est là pour écrire. lit-on sous la plume de Raphaël Jerusalmy, ancien agent de liaison israélien puis marchand de livres anciens à Tel-Aviv. Ceux de l’arrière, les patriotes, les grands lyriques, qui font rimer victoire avec abattoir. Soudain sacrés chantres de la République en armes. Et c’est un incroyable coup de veine pour ceux du front. Ces décors fantastiques. Ces explosions qui tonnent. Toute cette mise en scène. La fréquentation assidue de l’absurde, la mise à l’épreuve absolue de la vie et de la mort. Péguy est passé par là. Et même Aragon. C’est au tour du grand Apollinaire d’entrer dans l’arène.»
«Surtout que la guerre, c’est une aubaine pour les rimailleurs"

Et le grand Apollinaire, on le voit comme si on y était, dans sa tranchée, son carnet de notes à la main. Pensant à Madeleine, son «petit Madelon chéri», à ses seins, sa chaleur, mais comment le dire quand tout explose autour de lui. «Je suis fatigué ma chérie, et gai à la fois.» Et puis il griffonne des mots qui lui viennent comme ça. «Passent les jours et passent les semaines…» Avec lui, on patauge dans la boue, on a peur, on se demande ce qu’on fout là. «Ça pue la sueur, les haleines, les déchets qui s’entassent, le trou à uriner qui déborde, l’essence et la chaux.» Et on attend les colis, les lettres, les journaux. Le Mercure de France qui, au moment de l’impact, s’envolera dans la tranchée ennemie, taché du sang du poète.


Les obus jouaient à pigeon vole de Raphaël Jerusalmy
Editions Bruno Doucey, 176 pp., 15,50 €

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