vendredi 30 mars 2018

Comment on a interdit aux enfants de marcher

d'après terraeco.net 25.09.2014


Les jeunes enfants ne se déplacent presque plus à pied. Une tendance inquiétante qui en dit long sur la tristesse de nos rues.

Choisissez, au hasard, un film qui montre une sortie d’école primaire. Si l’extrait est tourné dans les années 1950 ou 1960 – faites le test avec Mon Oncle ou la Guerre des boutons – alors vous verrez la majorité des enfants quitter l’école à pied.


Mais plus le film est récent, plus la probabilité que l’écolier reparte en voiture est grande. Si vous n’avez pas envie de fouiller votre cinémathèque, jetez donc un œil dans la rue : la quasi-totalité des écoliers ne sont plus piétons mais passagers.
Les – trop rares – études consacrées au sujet confirment que les enfants marchent de moins en moins. Une enquête menée en Languedoc-Roussillon en 2008 et publiée par le CGDD (Commissariat général au développement durable) estimait que « 70% de tous les déplacements des enfants de 6 à 14 ans sont effectués en voiture ». Une autre enquête publiée par le Certu (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) en 2007 sur les trajets vers l’école primaire à Lille et à Lyon montrait que, même dans les grandes métropoles, les enfants vont de plus en plus souvent et majoritairement à l’école en voiture-passager.

De plus en plus d’obstacles
Pourquoi marchent-ils si peu ? Parce qu’on leur interdit ! 
Le médecin britannique William Bird l’a montré en suivant une famille, la famille Thomas, qui vit et marche depuis quatre générations dans la même ville de Sheffield, dans le nord de l’Angleterre. En 2007, il a publié une carte sur laquelle on peut voir le rayon des déplacements autorisés à l’âge de 8 ans se réduire au fil des quatre générations.
En 2007, le jeune Ed Thomas avait le droit, à huit ans, d’aller seul au bout de sa rue à moins de 300 mètres de sa maison, sa mère Vicky avait, en 1979, le droit d’aller seule à la piscine à 800 mètres de chez elle, son grand-père Jack pouvait, en 1950, aller au bois à plus d’1,5 km de chez lui et enfin son arrière-grand-père George en 1919 était autorisé à aller pêcher à près de 10 km de chez lui.
« Les jeunes enfants n’ont bien sûr pas l’interdiction de marcher, mais ils font face à beaucoup d’interdictions dans la rue. Ils ont tous des limites spatiales à ne pas franchir autour de leur logement. Ça peut être un arbre ou une maison qui a été désignée par les parents. C’est souvent très restreint. En général, avant le CM2, les enfants n’ont pas le droit de traverser leur rue », décrypte l’anthropologue et urbaniste Pascale Legué qui a mené plusieurs enquêtes sur ce sujet en France depuis le début des années 1990, notamment en accompagnant les jeunes enfants dans leurs déplacements.
La faute à la voiture
Depuis quand ces interdits se sont-ils multipliés ? 
La chercheuse cite les travaux de l’historien Philippe Ariès, qui montrent que l’enfant a commencé peu à peu à perdre son rôle social dans la ville au XIXe siècle. Mais, précise-t-elle, c’est au milieu du XXe siècle que démarre « l’abandon de la rue par les enfants »« L’enfant qui court ou qui joue dans les rues a disparu de nos imaginaires sur la ville, sa place est maintenant dans des espaces réservés, les parcs, les aires de jeux ou au bas des immeubles », note la chercheuse. La faute, selon elle, principalement à la voiture et aux urbanistes qui « ont conçu la ville pour les adultes motorisés ». Le jeune enfant étant moins capable d’interpréter et de réagir face à la vitesse d’une voiture, on lui a tout simplement retiré son droit de cité.
Mylène Coulais, 56 ans, dont la famille vit depuis 4 générations à Chauray, dans la grande périphérie de Niort (Deux-Sèvres), a bien voulu se pencher pour nous sur l’histoire de la marche dans sa famille. « Ma grand-mère est née en 1916. Quand elle était toute jeune enfant, elle allait au lavoir à pied à 500 mètres de chez elle, et un peu plus tard à pied dans le village d’à côté à 5 ou 6 kilomètres de là. Mes parents n’allaient pas si loin à pied mais ils allaient seuls à l’école, en rejoignant les autres enfants sur le trajet. Moi aussi j’y allais seule et je rentrais à pied le midi, ça faisait beaucoup de marche », se souvient-elle.
 2016- La ville vue par les enfants de l’école élémentaire publique Victor Schoelcher de Guer (56)
« Quand ma fille Emilie a été en âge d’aller à l’école, celle-ci avait changé de place parce que le village avait beaucoup grossi. Quand j’étais petite on était 500 habitants dans le village, maintenant on est 5000 dont beaucoup de gens qui travaillent à Niort. La municipalité a aussi mis en place un réseau de bus gratuit pour l’école donc mes enfants y sont allés en bus ou en voiture. Mais, même en dehors du trajet pour l’école, c’est vrai que les enfants ont arrêté de marcher. Avant on allait au sport à pied maintenant on les y conduit. On les laissait aller faire des courses à l’épicerie mais maintenant ça ne se ferait plus, d’ailleurs il n’y a plus d’épicerie, on va au supermarché. Par contre on a commencé à créer un réseau Pédibus pour que les parents accompagnent les enfants à l’école à pied. »
A Vaugneray,  pour l'école publique du centre  une ligne pédibus existe au départ "des Alouettes"

Quel rapport au monde pour les enfants ?

Ces changements ont des conséquences importantes pour les enfants. 
Déjà, on constate qu’ils sont moins endurants qu’il y a 30 ans : leurs capacités physiques ont régressé de 2% par décennie. Or les spécialistes en conviennent : une pratique prolongée et quotidienne de la marche pourrait suffire à enrayer ce déclin.
L’architecte Sabine Chardonnet-Darmaillacq s’inquiète également : « Quelle est la représentation de ce que c’est qu’être dehors et de ce qu’est la rue quand on a nous a interdit d’y marcher toute notre enfance ? C’est le rapport au monde des enfants qui est transformé. » Pour leur rendre le droit de marcher, l’urbaniste Thierry Paquot propose d’interdire la circulation des voitures autour des écoles 15 minutes avant et après l’entrée et la sortie des élèves.
Quels remèdes ?
Vaugneray, école maternelle publique du centre
Vaugneray, rue des Ecoles
L’urbaniste Pascale Legué propose également de repenser le devant des écoles : ces endroits où « on a mis des barrières pour éloigner les enfants de l’endroit prévu pour se garer ou circuler»
Elle cite, sans la nommer, l’exemple d’une commune de Vendée qui a envisagé un temps de transformer la large avenue devant ses deux écoles mitoyennes en un espace totalement piéton. 
Cette commune y a renoncé, face à l’opposition parentale
« L’espace devant les écoles pourrait devenir un espace d’échange et de jeu, on pourrait aussi implanter des jardins et en faire un lieu de vie pour toutes les générations. Au lieu de ça on pense tout pour la voiture et on cantonne ensuite chacun dans ses espaces réservés », déplore-t-elle. 
Les pas perdus des jeunes enfants sont décidément un très beau miroir de nos villes...

dimanche 25 mars 2018

Conseil municipal de mars: "Ce que j'ai fait, ça comptait pour quoi?"

(photo Thomas Brugnot - Le Progrès)







Lundi 19 mars, c'était la grande réunion budgétaire du Conseil municipal: Approbation des résultats de l'année 2017 et vote des budgets pour 2018.
Des budgets, car il y a un autre budget à côté du budget principal, le budget PLH ou Politique Locale de l'Habitat, qui réunit les opérations immobilières en matière de logement menées par la commune.

Le budget principal 2017 présente un excédent global de 657 000 euros.
Le budget annexe PLH 2017 présente un excédent global de 79 600 euros.

La section fonctionnement du budget principal est excédentaire de 1 070 000€ et la section investissement déficitaire de 420 000 €. Les principales recettes sont les impôts et taxes (2 200 000 €) et les dotations (1 000 000 €), tandis que les charges de personnel et les subventions aux associations représentent les deux plus gros postes de dépenses (respectivement 1 350 000 € et 
450 000€). 

UPA regrette seulement que le coût de la navette communale soit impossible à retrouver, éparpillé entre les différents comptes des dépenses de carburant, des dépenses de personnel, des dépenses d'entretien, d'investissement pour achat de véhicule, des contrats avec les Cars Venet, de la participation de Pollionnay, etc... Il serait simple de créer un sous-compte fonctionnel "navette communale" mais manifestement la municipalité ne le souhaite pas!


Les principales dépenses d’investissement réalisées en 2017 concernent une partie des travaux de la place de la mairie (35 000 €), les travaux dans la maison du Parc Vialatoux (110 000 €), les travaux de voirie (110 000 €). 
« Ce n’est pas une année à fort investissement, il fallait épargner en vue des futures dépenses », a commenté le Premier adjoint, adjoint aux finances. Effectivement, et pour cause! nous le constaterons avec les votes des budgets 2018.

Les comptes de ces deux budgets différents doivent être approuvés séparément, hors de la présence du maire qui quitte alors la salle, laissant la présidence de l'assemblée au doyen d'âge.
Notre doyen, trouvant plus pratique de faire voter les deux budgets en une seule fois (?) ou pensant que seul le budget principal méritait un vote (?), n'a fait voter que le budget principal. 
Rappel à l'ordre de la Directrice des Services, qui a entraîné un moment de confusion et la petite phrase suivante du doyen:  "Ce que j'ai fait, ça comptait pour quoi ?"
Après retour au calme et régularisation, M. Bisson, receveur municipal, a confirmé la justesse et la sincérité des comptes, et souligné le bon travail effectué entre les services de la Perception et la commune.
Il a comparé nos chiffres aux communes similaires au niveau départemental et national, à titre indicatif seulement. il n'en a tiré aucune conclusion, car ce n'est pas son rôle. Pour rappel, nous sommes dans la même strate que les communes de 5000 à 10000 habitants.
Les dépenses de fonctionnement par habitant de la commune sont sensiblement plus faibles que les dépenses moyennes des communes de taille similaire du département (519 € contre 839 €/hab/an). 
Le receveur a également mis en exergue un fonds de roulement stable, à 650000 €, et un ratio d’endettement de 3,7 années. « C’est standard, c’est un bon ratio », a commenté M. Bisson.
Comme d'habitude la majorité municipale a insisté sur la bonne gestion (ce qu'UPA ne conteste pas, ce pourquoi nous avons approuvé la gestion 2017) et le bon côté du parc immobilier, qui représente une sécurité en cas de coup dur.
L'adjoint aux travaux a trouvé qu'on pourrait alors dépenser plus, mais le maire a coupé ses espoirs en disant "si on avait plus de recettes".

Taux d’imposition : ils ne bougent pas, vote unanime des conseillers.
- Taxe d’habitation : 10,30 % (pour ceux qui continueront à la payer).
- Taxe foncière sur les propriétés bâties : 14,89 %.
- Taxe foncière sur les propriétés non bâties : 41,04 %.

Budgets 2018:
- le budget principal s'élève à 8,5 millions €
- le budget PLH à 565 000 euros

Budget principal 2018: 
Le budget de fonctionnement s’élève à 4 500 000 € et le budget d’investissement à 4 050 000 €. 
Au contraire de 2017, la commune assume un effort d’investissement conséquent cette année avec des dépenses de 1 600 000 € pour la rénovation de la salle des fêtes et de 350 000 € pour la maison du Parc Vialatoux. 
Parmi les autres dépenses figurent la rénovation du bâtiment du boulodrome (100 000 €), les travaux de voirie (90 000 €) et des acquisitions foncières (pour près de 200 000 €).
Certains conseillers de la majorité municipale ont regretté "qu'on ne mette pas le paquet" sur les jeux au centre du village, mais se sont vus rétorquer par leurs camarades que "la rue des écoles ce n'est pas très loin". 
Quand on habite au bout de la rue de Malval ou si l'on n'est que de passage à Vaugneray et ne connait pas le village,on peut avoir un point de vue différent...

Il faut bien prendre conscience que les travaux de la salle des fêtes plombent inutilement la capacité d'investissement de la commune, comme nous l'avons déjà démontré: Salle des fêtes, vogue la galère!

C'est pourquoi les 5 conseillers municipaux d'Union Pour l'Avenir, suivis par un conseiller de St Laurent de Vaux n'ont pas voté le budget principal 2018 (2 contre et 4 abstentions).

Autres délibérations:
- Subvention au Griffon: vote à l'unanimité
- Subvention à l'OGEC pour leur tarif de repas: vote à l'unanimité. 
Précisions: La Cuisine centrale que l'on espérait monter éventuellement avec le collège, ce n'est pas pour tout de suite! en effet, les difficultés administratives sont importantes, car financer des investissements dans un établissement privé  avec de l'argent public demande de trouver le bon cadre juridique ! 

Enfin, deux rappels de calendrier:
- jeudi 5 avril: Journée du Jeune Citoyen 6ème édition, et 
- samedi 7 avril à 11h00, inauguration de la rue du Dr. Aude et de la rue Joseph Vialatoux : "Autour de son parc public, le quartier de la Baviodière s'ouvre à tous!"











mardi 20 mars 2018

La Gratiferia est de retour!

Depuis 2014, juste avant les grandes vacances, Union Pour l'Avenir de Vaugneray vous propose sa Gratiferia, journée de rencontres chaleureuses et de bonnes affaires solidaires! 


Cette année, la Gratiferia aura lieu le dimanche 1er juillet à la salle polyvalente. C'est maintenant le moment de faire l'inventaire de vos placards...




Rappel: le concept de gratiferia ou marché gratuit est né en 2010 en Argentine, et se répand de plus en plus. L’idée est simple, il s’agit de donner le superflu sans rien attendre en retour.

Seules conditions pour l'organisation: il faut que le lieu soit public, ouvert à tous et qu’aucun droit d’entrée ne soit exigé. Avec un message simple: "Amenez ce que vous voulez, ou rien du tout. Repartez avec ce qui vous plaît".

Aux objets qui se trouvent habituellement sur un marché d’occasion, tels que vêtements, livres, meubles ou appareils électroniques, plantes, peuvent s’ajouter des biens immatériels (offres de savoir ou de main d'oeuvre, services...) Bien sûr, toutes les activités proposées éventuellement pendant une gratiferia (concerts, ateliers divers...) sont gratuits.

Une gratiferia est donc avant tout une invitation à se débarrasser de possessions matérielles devenues inutiles ou superflues, afin qu’elles circulent à nouveau et profitent à d’autres, le tout dans une ambiance de rencontres chaleureuses et solidaires.


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CHARTE  DE  LA  GRATIFERIA  D’UNION  POUR  L’AVENIR

Une Gratiferia est un marché gratuit, fondé sur le partage.

· Il n’y a ni argent, ni troc, ni réciprocité : tout est donné sans contrepartie. 

. Il vous est demandé d’agir en respect et convivialité, de penser aux autres, de ne pas vous servir abusivement.

· Les objets et substances illicites, pornographiques ou litigieux (couteaux, armes ou répliques) ainsi que les animaux sont interdits.

· On peut donner des objets, des offres de savoir ou de main d’œuvre, des services...

· Les objets proposés vont avoir une seconde vie : ils doivent être en bon état, propres et fonctionnels : la gratiferia n’est pas une déchetterie !

· Pour les objets de grand format (gros meubles, lave-linge etc..), il est recommandé de les photographier, et d’apporter seulement les photos avec les coordonnées du donneur.

. Pour nous aider à rendre un local propre après la gratiferia, n’abandonnez pas vos objets qui n’ont pas trouvé preneur. Évitez sacs plastique et cartons.

. Les objets qui n’auront pas trouvé preneur et que vous ne reprendrez pas à la fin de la gratiferia seront donnés à une association caritative.

· Un objet pris à la gratiferia n’est pas destiné à être revendu sur internet ! S’il ne convient pas, il pourra sans doute trouver une autre vie à la prochaine gratiferia !

jeudi 15 mars 2018

Une forêt exceptionnelle à 20km de Vaugneray: Il faut la sauver!

D'après Benjamin Larderet (Reporterre) 24 janvier 2018

Méconnue et d’une grande richesse écologique, la plus vaste forêt alluviale du sud-est de la France se déploie aux portes de Lyon. 

Alimentée par les crues, la forêt de la Table-Ronde s’épanouit à Vernaison.


Pour une découverte en pantoufles, voir notre article
Pour une balade en famille, infos en bas de page
Pour la protection de cette forêt menacée, voir ci-dessous:

Aidez à sauver un espace exceptionnel en signant la pétition en ligne sur Change.org: Sauvons l'île de la Table Ronde.

Déjà près de 3000 signatures, adressées au préfet du Rhône, à la Région, à la métropole, et aux maires des communes voisines. Votre signature a du pouvoir!

Cet écosystème en partie insulaire doit son originalité aux inondations et aux crues du Rhône. Explications.




En janvier dernier plus de vingt départements étaient en vigilance orange pour « risque de crue génératrice de débordements importants », et cinquante en vigilance jaune. A Paris, le niveau de la Seine atteignait 5,70 mètres  et la SNCF annonçait l’arrêt du RER C et la fermeture de sept stations. La faute à des pluies cinq fois plus abondantes que d’habitude, qui ont fait de ce début d’année 2018 le deuxième mois de janvier le plus pluvieux depuis 1900, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Mais les crues ne servent pas seulement à embêter les usagers de transports en commun. Elles ont leur utilité, bien méconnue.
« Les crues sont des perturbations naturelles qui permettent de maintenir des milieux pionniers en bord de rivière et évitent que la forêt n’envahisse tout, souligne Maxime Zucca, chargé de mission naturaliste à Natureparif. Différentes zones de la rivière présentent des écosystèmes différents en fonction du régime de crue : forêt alluviale quand elles sont modérées, prairies alluviales quand elles sont plus fortes. »
Chacun de ces milieux accueille un cortège d’espèces très dépendantes de ces flux et reflux d’eau douce. « Par exemple, les brochets se reproduisent dans les prairies alluviales en période de crue, là où les autres poissons ne vont pas qui pourraient dévorer leurs alevins », illustre le naturaliste.
Malheureusement, avec l’artificialisation des cours d’eau, ces écosystèmes gorgés d’eau deviennent rares et précieux. À tel point que les gestionnaires d’espaces naturels tentent de les recréer manuellement à l’aide de tractopelles... Mais nous avons la chance de posséder une forêt alluviale naturelle exceptionnelle, à Vernaison.
Usagers de l'autoroute A7, vous passez peut-être chaque jour vers la raffinerie de Feyzin tout près d’une grande île discrète. Elle fait partie d’un ensemble de près de 400 hectares qui abritent la plus vaste forêt alluviale du quart sud-est du territoire français. 
Coincées entre l’autoroute A7 et deux lignes de chemin de fer, dissimulées par la raffinerie, l'île et la forêt de la Table Ronde doivent peut-être leur salut au peu d’intérêt suscité par un terrain inondable avec vue sur les usines.

C’est avec les techniciens chargés de la gestion du site que nous commençons la balade. Nous sommes dans une ancienne saulaie qui s’étendait auparavant sur des kilomètres avant que l’urbanisation n’ait progressivement eu raison d’elle. Ce qui caractérise une forêt alluviale, « ce ne sont pas des bois durs, comme les chênes ou les hêtres de 500 ans. Il s’agit plutôt de bois tendres, des bois d’eaux, fragiles : peuplier, saule, frêne, etc. Dès qu’il y a un coup de vent [à partir de 62 km/heure, selon l’échelle de Beaufort], les premières branches commencent à tomber, explique Clément Cognet. La production de bois mort est ainsi bien supérieure à celle d’une forêt normale ».
Nous nous arrêtons à proximité d’une trouée donnant sur la berge pour admirer le fleuve. « C’est Feyzin en face, c’est moins alluvial », plaisante Anthony Giraudo. La zone classée Seveso n’est pas loin, et de petits panneaux jaunes indiquent la sortie de la forêt en cas d’accident industriel ou de montée soudaine des eaux. 


« C’était la première fois en Europe qu’on redonnait vie à un fleuve »

L’écosystème se développe ici sur les sédiments transportés par le fleuve. Le caractère inondable de la forêt en est l’aspect le plus frappant. C’est en début d’année que le Rhône monte, de janvier à mars. Ensuite, avec la fonte des neiges, le site devient inaccessible. 
« Les riverains viennent ici depuis des années pour pêcher dès que le fleuve est en crue. […] Ils sortent des ablettes à foison ! » Le canal, creusé dans les années 1960, a vraiment endigué le Rhône, mais « trois lônes ont été recreusées et fonctionnent super-bien maintenant ; les castors sont présents, les martins-pêcheurs aussi… »
Une lône désigne un bras de fleuve qui se perd dans la terre et dont le rôle est primordial à la gestion des crues et à la biodiversité. « On a redonné vie au Rhône en 1989. […] C’était la première fois en Europe qu’on redonnait vie à un fleuve », explique Vincent Gaget, naturaliste qui travaille sur ce terrain depuis 25 ans.
Preuves du succès : les nombreux hérons et les milans noirs, emblématiques du site, dont 55 couples, nichent sur place. Dans les clairières s’épanouissent de nombreuses orchidées. Au rayon des curiosités, on recense l’azuré du serpolet, un papillon dont la larve à la particularité d’être abritée dans les fourmilières.
Nous laissons la saulaie derrière nous pour nous rendre sur l’île de la Table-Ronde. L’abondance de lianes, comme la vigne vierge, mais surtout le lierre, est caractéristique. « Il y a de nombreuses idées reçues concernant le lierre. Il y a peu de temps encore, on apprenait [...] qu’il fallait absolument l’enlever et le couper. » Mais, « dès qu’il donne ses fruits, tous les oiseaux viennent.[...] Le lierre fournit ainsi les dernières fleurs de la saison et les premiers fruits de l’année ».
Le chemin mène à un affût. À travers les ouvertures, la vue embrasse un bras d’eau entouré de forêt. « Si on laisse [la lône] s’arborer, les feuilles et les branches vont tomber. La matière organique va s’accumuler et le bras d’eau va se combler », précise Clément Cognet, à voix basse. Au bout de quelques minutes, un éclair bleu traverse notre champ de vision : un martin-pêcheur vient de passer. Nous l’observons quelque temps, puis nous quittons l’affût en direction d’une clairière entretenue.
"On va aller détruire un espace naturel riche pour faire des pépinières en pots!" 
"C’est une ancienne décharge réhabilitée« Sous nos pieds, on a un ball-trap où, pendant 100 ans, les mecs on tiré tous les jours. [...] Quand tu creuses la butte, sous 10 cm de sable, tu trouves des balles en plomb grosses comme ça », dit-il, en montrant une phalange de son index. De l’argent a été investi et un travail important a été mené pour réhabiliter cet espace. 
Mais, aujourd’hui, le site est menacé, 28 hectares risquent d’être rasés : une pépinière implantée à côté de la raffinerie de pétrole, la pépinière Chapelan, doit déménager pour respecter le plan de prévention des risques technologiques. C'est ici qu'elle a choisi de s'implanter avec l'avis favorable de la municipalité de Vernaison!
Aidez à sauver cet espace exceptionnel en signant la pétition en ligne sur Change.org: Sauvons l'île de la Table Ronde.

Déjà près de 3000 signatures, adressées au préfet du Rhône, à la Région, à la métropole, et aux maires des communes voisines. Votre signature a du pouvoir!


 Nous finissons la boucle avant de quitter l’île et nous nous dirigeons vers le troisième et dernier site de la visite. 
« Là, on ne fait aucune gestion. On vient très rarement. » Nous quittons les sentiers balisés pour nous enfoncer dans la forêt. Seuls le bruit des craquements de branches et les cris des oiseaux parviennent à nos oreilles. Ici ou là, on peut apercevoir des nids en haut des arbres, ou des tanières creusées dans les berges. Après un quart d’heure de marche, nous arrivons à la pointe de l’île, où la forêt laisse place à la civilisation. La transition est abrupte : un pont de chemin de fer et des usines à 100 mètres nous rappellent que nous sommes dans la Métropole. Comme un pied de nez à la civilisation, quelques arbres au tronc grignoté à 30 centimètres du sol trahissent la présence de familles de castors.
Et Vincent Gaget de conclure : « On a sauvé cet espace en 1989. En 1992, on l’a sauvé une seconde fois [d’un projet de golf]. On a créé un syndicat pour gérer un territoire qui a de l’intérêt pour le périurbain lyonnais, et pour la biodiversité en général. Aujourd’hui, on nous dit qu’on a encore besoin d’étendre le système économique, et on va aller détruire un espace naturel riche pour faire des pépinières en pots. »

Aidez à sauver cet espace exceptionnel en signant la pétition en ligne sur Change.org: Sauvons l'île de la Table Ronde.
Déjà près de 3000 signatures, adressées au préfet du Rhône, à la Région, à la métropole, et aux maires des communes voisines. Votre signature a du pouvoir!
(photos Benjamin Larderet)

Pour une balade en famille: 

L'île de la Table Ronde fait de 10 km de long. Elle est située au milieu du Rhône, à Vernaison. En passant sur l’autoroute, on voit très bien ses rives, mais on ne se rend pas compte de sa présence, car on pense– comme le Rhône est très large à cet endroit – qu’il s’agit simplement de la rive d’en face. C’est un excellent endroit pour faire des balades en pleine nature, sans être cerné par la foule. Le lieu, quoique aménagé, reste secret. La partie la plus sauvage est au sud de l’île, facilement accessible en prenant l’autoroute A 7 en direction de Marseille et en sortant à Vernaison. 

On peut faire le tour à vélo, mais la marche à pied permet de rentrer dans des espaces où les fougères et les lianes ressemblent à celles de Jurassic Park. 

Une fois garé sur le parking de la Traille, première à gauche: direction Chez Paul’O. Vous verrez une drôle de tour avec des marches à l’extérieur, à laquelle est amarrée une vieille embarcation.C’est une des piles de traille qui supportait le câble du bac qui permettait de traverser, avant que les ponts ne soient construits. De là, prenez le chemin de gauche, la balade est plus sympa et permet d’accéder à une ancienne ferme, magnifique, malgré son état de ruine. C’est la Ferme du loup. Aucun panneau ne l’indique. Suivez le chemin en pleine forêt vers le sud. Arrivé au bout de l’île (environ 5 km), remontez par le petit sentier qui longe la rive ouest.

OÙ DÉJEUNER ?
Le cadre du restaurant Chez Paul’O, avec terrasse, au bord de la forêt est particulièrement agréable et la cuisine excellente.Chemin de la Traille à Solaize. 0478460647.

samedi 10 mars 2018

Une figure qui a marqué Vaugneray : le docteur Yves Servajean


En 1971 un jeune médecin vint s'installer à Vaugneray : le docteur Yves Servajean. Il exerça dans notre village jusqu'en 1991. C'était un médecin généraliste, un « médecin de famille » comme on disait alors, dévoué à ses patients, prêt à se déplacer à toute heure du jour ou de la nuit. 

Dr Yves Servajean (1942 - 2009)
Voici le témoignage d'une de ses patientes :
 « Au tout début de mon huitième mois de grossesse, après une nuit d’intenses douleurs, j’ai téléphoné au docteur Servajean qui est venu immédiatement. Il a diagnostiqué une torsion ovarienne causée par un kyste, ou alors une crise d’appendicite — à laquelle il ne croyait pas vraiment. Il a alors appelé une ambulance, fait mon sac, attendu que l’ambulance arrive pour partir. Après trois journées d'attente et des examens divers, les médecins de la clinique ont fini par m’opérer… de l’appendicite. Mais voilà, ce n’était pas une crise d’appendicite, mais bel et bien un kyste sur un ovaire, qui s’était tordu. J’aurais pu perdre la vie ou celle de mon bébé. Je suis infiniment reconnaissante au docteur Servajean pour son dévouement et la justesse de son diagnostic ».

Certes, c'est le rôle d'un médecin de sauver des vies humaines, et il y a eu d'autres très bons médecins à Vaugneray. Mais le docteur Servajean avait quelque chose de particulier : c'était un précurseur, qui a changé notre regard sur notre alimentation et sur notre santé. Il a laissé sur notre village une empreinte qui n'est pas près de s'effacer.
            
Aujourd'hui l'alimentation biologique semble faire consensus. On pense généralement que les produits bio sont meilleurs pour la santé et pour l'environnement. À Vaugneray plusieurs exploitations agricoles font du bio, ou à défaut de l'agriculture raisonnée. Le bio, on le trouve sur les marchés, dans les boutiques bio, et même dans les grandes surfaces. 50 % de produits bio et locaux dans la restauration collective, c'est prévu pour 2022. Mais à Vaugneray, le virage du bio a été pris bien plus tôt, dès les années 1970, avec l'arrivée du docteur Servajean. Oser prétendre qu'il pouvait y avoir un rapport entre notre état de santé et le contenu de notre assiette, c'était une approche radicalement nouvelle. Le docteur Servajean avait cette audace : il mettait en garde contre les denrées polluées par des pesticides ou ayant subi des transformations préjudiciables à la santé, et il conseillait de passer à une alimentation saine et naturelle, biologique de préférence.
            
Je me souviens qu'il recommandait en particulier la consommation d'huiles bio « de première pression à froid » — formule que j'entendais pour la première fois et qui résonnait à mes oreilles un peu comme une langue étrangère. Mais où trouver de tels produits, dans ces temps reculés où il n'y avait bien sûr pas de boutique bio à Vaugneray, ni même à Craponne ? Je suis descendue à Lyon, et après une longue errance dans les petites rues de la presqu'île, j'ai fini par dénicher une boutique à la devanture verte qui s'appelait « Les Quatre Saisons ». On y trouvait tous ces précieux aliments que le Casino de Vaugneray (qui avait pourtant une devanture verte à l'époque) ne connaissait pas encore.
           
Vous êtes-vous parfois demandé pourquoi il y a à Vaugneray une boutique bio florissante, où viennent s'approvisionner non seulement les Valnégriens, mais aussi des clients qui viennent de Brindas, de Messimy, ou de plus loin encore ? Eh bien je vais vous raconter la petite histoire de la bio-boutique. Il était une fois une dame passionnée par l'alimentation bio qui voulait ouvrir une boutique dans un village près de Lyon. Par le plus grand des hasards, elle atterrit à Vaugneray, sans se douter le moins du monde que ce village, sous l'impulsion du docteur Servajean, était en train de s'imprégner d'une culture toute nouvelle, la culture du « bio ». Sa boutique fut un succès immédiat, et cela dure toujours. Dans cette boutique, les anciens évoquent parfois le souvenir du docteur Servajean. Et voilà que se créent des liens : on se retrouve ensuite pour boire le thé ensemble, et partager un cake à la farine de châtaigne bio !
            
Le docteur Servajean était aussi novateur dans son approche de la médecine. Il n'hésitait pas le cas échéant à faire appel à des médecines complémentaires, des médecines dites « douces », qui venaient en plus de l'exercice classique de la médecine. Par exemple il avait parfois recours à l'homéopathie (que j'ai découverte grâce à lui). Il expliquait aussi qu'on pouvait améliorer des douleurs articulaires avec des cataplasmes d'argile, et prévenir les infections urinaires avec de la canneberge. Une personne atteinte d'une hépatite C avait éliminé le virus « comme la grippe », au dire du spécialiste qui suivait l'évolution de sa maladie à l'hôpital. Elle avait pris du Desmodium pendant plusieurs mois, sur les conseils du Dr Servajean — on ne saura jamais si le Desmodium avait contribué à cette guérison « spontanée ». Le Desmodium est une plante africaine dont les propriétés hépatoprotectrices ont été depuis reconnues et qui se trouve aujourd'hui dans les boutiques bio et en pharmacie. Mais à l'époque il fallait le commander à l'association « Solidarité » de Toulouse, dont l'action a permis l'introduction de cette plante en France. Là aussi le docteur Servajean était en avance sur son temps. Si la phytothérapie occupe aujourd'hui une place importante dans le traitement de nombreuses maladies, elle était peu pratiquée par les médecins au siècle dernier. Il a fallu au docteur Servajean un certain courage pour sortir des sentiers battus.
           
Alors, ayons une pensée attendrie pour cet homme remarquable, qui a tellement marqué notre village qu'aujourd'hui, des années après son départ, on chante encore ses louanges devant les étals du marché de Vaugneray !

article écrit par Annie Ramel 

lundi 5 mars 2018

Uniferme, 40 ans de vente directe cette année!

Au pied des Monts du Lyonnais, à côté de Mornant, 18 fermes vous proposent leur produits frais toute l'année, 7 jours sur 7, dans leur point de vente collectif. Depuis 40 ans.


d'après  https://www.uniferme.fr/
et Manon Paulic, journaliste

La nuit commence à tomber sur le village de Chaussan, au pied des monts du Lyonnais. Dominique Viannay remonte le chemin qui mène à l’un de ses champs. Ce soir, on annonce des températures très basses, il faut bâcher les scaroles avant qu’elles ne gèlent. À 55 ans, le maraîcher est propriétaire d’une petite exploitation de trois hectares. Il cultive avec l’aide de Françoise, sa femme, et de Nicole, leur salariée, une dizaine de variétés de légumes et de plantes, des carottes aux pommes de terre, en passant par les épinards, les oignons blancs, les bettes, les petits pois, les haricots cocos, les herbes aromatiques et la verveine. Dominique ôte soudainement la main de sa poche. « Regardez, là-haut, dit-il en pointant du doigt une buse surgissant de derrière une colline sur un ciel nuageux. C’est une collègue de travail ! » 


Pour ce maraîcher, l’écosystème est un allié dont il faut prendre soin. Les buses débarrassent les champs des rongeurs, les mésanges grignotent les insectes. Protéger cette faune lui permet d’exclure de ses pratiques l’utilisation de désherbants, d’insecticides et de fongicides chimiques. À ses yeux, « la noblesse du métier, c’est de négocier en permanence avec le vivant ». Autour de ses champs, il a construit des nichoirs.
« Pour aller chasser les chenilles sans devenir la proie des faucons, les mésanges ont besoin d’une zone de repli à moins de 35 mètres. » OGM, culture hors-sol et boues d’épuration sont également bannis au profit de méthodes naturelles. « C’est du boulot, explique-t-il. C’est comme faire le choix du covoiturage : il faut faire l’effort de trouver un partenaire, de se lever un peu plus tôt pour le rejoindre au point de rendez-vous… Ça prend plus de temps mais ça change tout. »


Pour préserver ce rythme de travail qui donne du sens à son métier, et décider seul des règles qui régissent son exploitation, Dominique a toujours refusé de travailler avec la grande distribution. Sa profession, il ne l’envisage qu’à travers le circuit court. Depuis seize ans, il est associé d’un magasin de producteurs dans lequel il vend l’intégralité de sa marchandise directement aux consommateurs. Fondé en 1978 par sept amis agriculteurs, Uniferme est le plus ancien point de vente collectif du pays. Au fil des ans, ce qui n’était au départ qu’une modeste cabane en bois n’a cessé de se développer pour devenir un imposant magasin de 300 mètres carrés, aux allures de chalet, que flanque un espace de stockage d’une superficie équivalente. Un modèle en la matière. Installé à une trentaine de kilomètres au sud de Lyon, le site accueille chaque semaine entre 2 000 et 3 000 clients et fédère aujourd’hui dix-huit fermes, soit quarante agriculteurs qui tiennent le magasin à tour de rôle, au rythme d’une demi-journée par semaine. 

La plupart apprécient ce rendez-vous hebdomadaire avec la clientèle. Pour Rémi Delesalle, qui fait partie des plus jeunes membres de l’équipe, voir et connaître les consommateurs l’encourage à faire du bon boulot. « Quand vous êtes en contact avec vos clients, vous vous sentez plus concerné par la qualité de vos produits, explique-t-il. Vous savez qu’ils vont vous poser des questions sur la manière dont vos légumes sont cultivés, vous avez des comptes à rendre. » Pour Dominique aussi, ce lien est indispensable. « La vente directe est un modèle ancien. La production et le commerce sont deux activités différentes mais complémentaires. Elles tiennent ensemble. On n’aurait jamais dû les séparer. » 

Si l’objectif de la structure est de fournir aux clients des produits de qualité, il est également de permettre à chaque agriculteur membre de gagner sa vie dans de bonnes conditions grâce aux fruits de son exploitation. Avec ses 4,6 millions de chiffre d’affaires annuel, le magasin permet de faire vivre une centaine de familles. « J’arrive généralement à prendre quatre semaines de vacances dans l’année », explique Pierre Barnéoud, un autre maraîcher, d’astreinte au magasin le lundi après-midi.

« Ici, contrairement à ce qui se passe au marché où il faut être présent tous les jours à des heures assez pénibles, notre marchandise continue de s’écouler même lorsqu’on est absent. » Chaque année, Pierre vend environ trente mille bocaux de cardons, de soupes, de veloutés et de diverses sauces faites maison. À l’instar des autres membres, il réserve l’intégralité de sa production à Uniferme. Ils savent qu’ils peuvent compter sur la bonne fréquentation du magasin pour écouler leurs stocks. Rémi assure que s’il voulait travailler avec la grande distribution et gagner le salaire qu’il se verse actuellement, il faudrait que son terrain « soit quatre à cinq fois plus grand qu’il ne l’est aujourd’hui ». Ce qui équivaudrait à 45 hectares de vergers. 

À Uniferme, les paysans fixent eux-mêmes leurs prix, sur lesquels 10 % sont prélevés pour le fonctionnement du magasin. Le jus de pomme de Rémi est vendu 1,80 euro le litre. « Mon ex-associé, l’un des cofondateurs à qui j’ai repris l’affaire, voulait vendre des produits du quotidien : la bouteille présente sur la table des consommateurs tous les matins. J’ai gardé cette philosophie-là. » Car la raison d’être du circuit court n’est pas d’offrir des produits de luxe, mais de faire fonctionner un territoire. La plupart des clients du magasin vivent dans un rayon de 20 kilomètres. La ferme la plus éloignée se situe quant à elle à 25 kilomètres. Pour Dominique, parce qu’elle a lieu à l’échelle locale, voire ultralocale, la vente directe génère un dynamisme durable, capable de transformer profondément des mentalités et des manières de vivre. « Les clients nous posent tout un tas de questions, notamment sur le jardinage. On échange des conseils. Ils sont de plus en plus préoccupés par l’environnement. Ça dépasse la simple question alimentaire. Un réel changement est en train de se produire et on peut l’accompagner. » 


Uniferme, qui fêtera ses quarante ans cette année, évolue elle aussi. Le dernier cofondateur a pris sa retraite en décembre dernier et la moitié des paysans membres sont des trentenaires désireux d’aller encore plus loin dans la recherche de techniques respectueuses de la terre et du consommateur. « On est nombreux à ne pas être issus du milieu agricole, explique Rémi. On n’a hérité d’aucune tradition familiale, on peut donc réfléchir plus librement au type d’agriculture que l’on veut pratiquer. » Ils ne craignent pas la concurrence, au contraire. Membre de Terre d’envies, un réseau qui défend les points de vente collectifs, Uniferme cherche à promouvoir le concept aussi largement que possible. Une centaine de magasins de producteurs couvrent déjà l’ensemble de la région Rhône-Alpes. « Le territoire, grâce à la variété de ses productions, est particulièrement adapté au circuit court, concède Rémi. Sur trois départements, on est capable de produire des légumes, des fruits, de la viande, du vin et du fromage. » Pour pratiquer une agriculture durable, les paysans adaptent leurs modes de production aux particularités d’un territoire. Peut-être que les modes de distribution doivent être, eux aussi, pensés en fonction de celles-ci.