samedi 10 mars 2018

Une figure qui a marqué Vaugneray : le docteur Yves Servajean


En 1971 un jeune médecin vint s'installer à Vaugneray : le docteur Yves Servajean. Il exerça dans notre village jusqu'en 1991. C'était un médecin généraliste, un « médecin de famille » comme on disait alors, dévoué à ses patients, prêt à se déplacer à toute heure du jour ou de la nuit. 

Dr Yves Servajean (1942 - 2009)
Voici le témoignage d'une de ses patientes :
 « Au tout début de mon huitième mois de grossesse, après une nuit d’intenses douleurs, j’ai téléphoné au docteur Servajean qui est venu immédiatement. Il a diagnostiqué une torsion ovarienne causée par un kyste, ou alors une crise d’appendicite — à laquelle il ne croyait pas vraiment. Il a alors appelé une ambulance, fait mon sac, attendu que l’ambulance arrive pour partir. Après trois journées d'attente et des examens divers, les médecins de la clinique ont fini par m’opérer… de l’appendicite. Mais voilà, ce n’était pas une crise d’appendicite, mais bel et bien un kyste sur un ovaire, qui s’était tordu. J’aurais pu perdre la vie ou celle de mon bébé. Je suis infiniment reconnaissante au docteur Servajean pour son dévouement et la justesse de son diagnostic ».

Certes, c'est le rôle d'un médecin de sauver des vies humaines, et il y a eu d'autres très bons médecins à Vaugneray. Mais le docteur Servajean avait quelque chose de particulier : c'était un précurseur, qui a changé notre regard sur notre alimentation et sur notre santé. Il a laissé sur notre village une empreinte qui n'est pas près de s'effacer.
            
Aujourd'hui l'alimentation biologique semble faire consensus. On pense généralement que les produits bio sont meilleurs pour la santé et pour l'environnement. À Vaugneray plusieurs exploitations agricoles font du bio, ou à défaut de l'agriculture raisonnée. Le bio, on le trouve sur les marchés, dans les boutiques bio, et même dans les grandes surfaces. 50 % de produits bio et locaux dans la restauration collective, c'est prévu pour 2022. Mais à Vaugneray, le virage du bio a été pris bien plus tôt, dès les années 1970, avec l'arrivée du docteur Servajean. Oser prétendre qu'il pouvait y avoir un rapport entre notre état de santé et le contenu de notre assiette, c'était une approche radicalement nouvelle. Le docteur Servajean avait cette audace : il mettait en garde contre les denrées polluées par des pesticides ou ayant subi des transformations préjudiciables à la santé, et il conseillait de passer à une alimentation saine et naturelle, biologique de préférence.
            
Je me souviens qu'il recommandait en particulier la consommation d'huiles bio « de première pression à froid » — formule que j'entendais pour la première fois et qui résonnait à mes oreilles un peu comme une langue étrangère. Mais où trouver de tels produits, dans ces temps reculés où il n'y avait bien sûr pas de boutique bio à Vaugneray, ni même à Craponne ? Je suis descendue à Lyon, et après une longue errance dans les petites rues de la presqu'île, j'ai fini par dénicher une boutique à la devanture verte qui s'appelait « Les Quatre Saisons ». On y trouvait tous ces précieux aliments que le Casino de Vaugneray (qui avait pourtant une devanture verte à l'époque) ne connaissait pas encore.
           
Vous êtes-vous parfois demandé pourquoi il y a à Vaugneray une boutique bio florissante, où viennent s'approvisionner non seulement les Valnégriens, mais aussi des clients qui viennent de Brindas, de Messimy, ou de plus loin encore ? Eh bien je vais vous raconter la petite histoire de la bio-boutique. Il était une fois une dame passionnée par l'alimentation bio qui voulait ouvrir une boutique dans un village près de Lyon. Par le plus grand des hasards, elle atterrit à Vaugneray, sans se douter le moins du monde que ce village, sous l'impulsion du docteur Servajean, était en train de s'imprégner d'une culture toute nouvelle, la culture du « bio ». Sa boutique fut un succès immédiat, et cela dure toujours. Dans cette boutique, les anciens évoquent parfois le souvenir du docteur Servajean. Et voilà que se créent des liens : on se retrouve ensuite pour boire le thé ensemble, et partager un cake à la farine de châtaigne bio !
            
Le docteur Servajean était aussi novateur dans son approche de la médecine. Il n'hésitait pas le cas échéant à faire appel à des médecines complémentaires, des médecines dites « douces », qui venaient en plus de l'exercice classique de la médecine. Par exemple il avait parfois recours à l'homéopathie (que j'ai découverte grâce à lui). Il expliquait aussi qu'on pouvait améliorer des douleurs articulaires avec des cataplasmes d'argile, et prévenir les infections urinaires avec de la canneberge. Une personne atteinte d'une hépatite C avait éliminé le virus « comme la grippe », au dire du spécialiste qui suivait l'évolution de sa maladie à l'hôpital. Elle avait pris du Desmodium pendant plusieurs mois, sur les conseils du Dr Servajean — on ne saura jamais si le Desmodium avait contribué à cette guérison « spontanée ». Le Desmodium est une plante africaine dont les propriétés hépatoprotectrices ont été depuis reconnues et qui se trouve aujourd'hui dans les boutiques bio et en pharmacie. Mais à l'époque il fallait le commander à l'association « Solidarité » de Toulouse, dont l'action a permis l'introduction de cette plante en France. Là aussi le docteur Servajean était en avance sur son temps. Si la phytothérapie occupe aujourd'hui une place importante dans le traitement de nombreuses maladies, elle était peu pratiquée par les médecins au siècle dernier. Il a fallu au docteur Servajean un certain courage pour sortir des sentiers battus.
           
Alors, ayons une pensée attendrie pour cet homme remarquable, qui a tellement marqué notre village qu'aujourd'hui, des années après son départ, on chante encore ses louanges devant les étals du marché de Vaugneray !

article écrit par Annie Ramel 

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