mardi 20 décembre 2016

Mourir de respirer

(d'après http://patrick-le-hyaric.fr/ 19 décembre 2016)

Lyon, avec et sans pollution...(photo Tim Douet)
Un sombre halo a une nouvelle fois recouvert plusieurs de nos agglomérations. Le même qui s’attarde sur Pékin, Mexico, New-Delhi, Le Caire, Bangkok. Il provoque, dans ses conséquences les plus visibles, maux de tête, irritation du nez, de la gorge, des yeux, des bronches et des sinus. Les salles d’attente des médecins, les services d’urgences des hôpitaux sont assiégés et mieux vaut ne pas aller courir, activité pourtant hautement recommandée pour rester en bonne santé ! Ce noir et sale brouillard enveloppant les villes, souvent baptisé « pic de pollution », n’est que l’accumulation visible d’une multitude de particules fines la plupart du temps invisibles. Les émissions de gaz à effet de serre tout aussi invisibles à nos yeux et à nos sens provoquent pourtant les modifications climatiques à l’œuvre et s’ajoutent à ces substances aussi peu sympathiques que des sulfates, des nitrates, du carbone noir. Ce nuage apparaissant à intervalle régulier quand le vent se calme n’est donc que le révélateur d’une situation plus constante et sournoise. La pollution est la plupart du temps invisible. Ses victimes aussi ! Elle est pourtant une criminelle de masse.
En effet, l’organisation mondiale de la santé a évalué, il y a déjà quelques années, à trois millions sept cent mille le nombre de personnes décédant dans le monde des suites de cette pollution de l’air extérieur. Dans notre pays, elle contribue aux premières causes de mortalité par les cancers ou les maladies cardio-vasculaires. Un tel drame ne peut supporter les tergiversations et les petites polémiques politiciennes. L’heure est plutôt au débat et à la réflexion approfondie pour trouver des solutions à cette catastrophe déjà en marche. Cette tragédie ne fait aucun tri dans les opinions et jusqu’à présent, rien ou presque de sérieux n’a été entrepris. Il est donc indispensable d’en faire un grand combat commun d’intérêt général pour la santé et pour la vie. D’autres orientations politiques et économiques sont à imaginer pour un nouveau projet de développement humain et durable, tournant nettement le dos à ce qui a été fait jusque-là. Comment par exemple présenter comme moderne de lâcher sur nos routes des milliers de cars et de camions tels des perdrix à la veille de l’ouverture de la chasse quand on réduit voire détruit le transport par rail ? Comment continuer à vanter les bienfaits du charbon et des énergies fossiles au lieu2/ de lancer un projet audacieux pour les énergies renouvelables ?
"Incident" à Feyzin en plein pic de pollution le 12/12/2016 (photo R.Mouillaud)

Des dispositions doivent être prises dans l’urgence pour limiter cette pollution et ses effets. Au-delà, c’est le droit à un air pur qui devrait être décrété comme un droit humain fondamental. Cela implique de transformer profondément notre modèle de société et de développement. La mobilité dans la ville est à repenser avec une offre écologique multiforme. Le transport en commun public, confortable et très peu cher, doit être privilégié. La transformation des productions de voitures doit être incitée d’urgence pour des véhicules hybrides et électriques, notamment dans les villes. Un grand plan de construction de nouveaux logements et d’isolation des habitations existantes doit être décidé sans attendre. Le modèle agricole européen et mondial doit être transformé sous l’égide des Nations-Unies, en lien avec les organisations paysannes mondiales et celles des consommateurs. Moins de pesticides, moins d’engrais chimiques, moins d’azote dans les sols, l’eau et l’air qui fabriquent avec les particules fines un terrible cocktail. L’agriculture paysanne, les forêts, le verdissement des villes et l’invention d’une production alimentaire urbaine est l’un des moyens pour stocker du carbone et améliorer la qualité de l’air. Un autre aménagement des territoires qui ne rejette pas les salariés de plus en plus loin vers des périphéries, une conception neuve de nos villes sont désormais des enjeux de premier plan, humains, sociaux et culturels.
Notre système de consommation lui-même doit évoluer. A quoi bon vouloir manger des fraises venues de si loin en décembre, nourrir des vaches dans des usines à lait avec un soja cultivé à la place de la forêt Amazonienne, poumon de la planète ? A quoi bon commander en un clic sur internet des marchandises venues par camions de l’autre bout du monde ? Bref, une autre logique doit primer ! Les concepts de concurrence, de compétitivité ne tuent pas seulement le progrès social, ils aggravent toutes les pollutions, détruisent la santé et sèment la mort. Et que les petits comptables de la doxa capitaliste rangent leur calculette ! En effet des évaluations estiment à 101 milliards d’euros le coût annuel d’une pollution de l’air qui n’est jamais comptabilisée dans les comptes publics. Il est remarquable de constater que pollution et réchauffement climatique sont parmi les plus grands dangers qui menacent notre siècle et qu’en même temps, les solutions pour les conjurer recèlent ses plus grands gisements d’emplois. Il n’est que temps de sortir des faux-semblants et de réfléchir, les uns avec les autres, aux réponses pour sortir d’un système économique qui atteint ses limites dès lors qu’il menace le genre humain et son environnement.
Mourir de respirer est tout de même un comble ! Inacceptable !

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