(d'après Nicole Gellot- l'Age de Faire - 10 janvier 2017)
La plus grande partie des vêtements que nous achetons en France est fabriquée par des multinationales qui ont délocalisé leurs productions vers des pays où le coût de la main d’oeuvre est faible et les droits sociaux quasi inexistants.
Sur une paire de basket Nike, par exemple, la part réservée à la rémunération de la main d’oeuvre représente des miettes par rapport à l’ensemble des coûts de l’entreprise, la quasi-totalité étant empochée par la marque et les distributeurs. Pour augmenter leurs parts de marché, ces derniers se livrent à une concurrence sans merci et font pression sur les entreprises sous-traitantes, qui acceptent de se plier à leurs injonctions, enfreignant au besoin la loi.
Les conditions d’hygiène et de sécurité sont déplorables dans les ateliers de fabrication ; les ouvrières travaillent plus de 12 heures par jour, six jours sur sept, ne bénéficient bien souvent d’aucune protection sociale et touchent parfois des salaires inférieurs au minimum légal pratiqué dans le pays.
L’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh le 24 avril 2013 a suscité un choc international, rappelle le collectif Éthique sur l’étiquette. Pourtant, depuis, aucune mesure tangible n’a été prise pour tenir responsables les multinationales des atteintes aux droits humains fondamentaux causées par leur activité à travers le monde.
Après le drame, un fonds d’indemnisation a été créé à l’initiative des syndicats, des ONG et de l’organisation internationale du travail (OIT). Sous la pression citoyenne, les marques de vêtements qui font appel à des fournisseurs au Bangladesh l’ont alimenté, sans pour autant reconnaître leurs responsabilités. Ainsi, Auchan, dans un communiqué du 3 avril 2014 (1), avait écrit : « La responsabilité de la catastrophe est celle de ceux qui ont obligé les salariés à travailler dans un immeuble ne respectant pas les normes d’urbanisme locales et présentant des risques visibles d’effondrement. » Autrement dit, on ne veut pas savoir, on s’en lave les mains.
Une prise de conscience s’est opérée au niveau international pour une meilleure application de normes sociales et environnementales dans les chaînes de sous-traitance, qui doit maintenant se concrétiser, note Éthique sur l’étiquette.
Le 31 mars 2015 a été vécu comme une victoire après deux années de mobilisation militante visant à responsabiliser juridiquement les multinationales. En effet, ce jour-là, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Ce texte impose aux grands groupes d’adopter un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement que pourraient causer leurs activités en France et à l’étranger. Il a un poids juridique. En cas de manquement à cette obligation de vigilance, et en cas de dommage, leur responsabilité pourra être engagée devant le juge.
Mais c’était sans compter sur le Sénat qui, lors de l’examen du projet de loi, le 13 octobre 2016 en deuxième lecture, a « voté des amendements qui le vident de sa substance ». Éthique sur l’étiquette, qui souligne que cette loi est à l’étude depuis trois ans, en appelle au gouvernement pour « sauvegarder l’esprit » du texte et mettre tout en oeuvre afin que "le processus aboutisse".
Le texte de loi a finalement franchi, non sans mal, toutes les étapes du processus parlementaire et a été adopté en 3ème lecture à l’Assemblée nationale le 29 novembre 2016.
Demandons au gouvernement, qui a confirmé sa volonté de voir aboutir la proposition de loi issue de l’Assemblée Nationale, de faire en sorte que le texte soit définitivement adopté avant la fin de la session parlementaire en février 2017. Il y a urgence!
Pour cela , signons et partagons la pétition d'Ethique sur l'étiquette: Rana Plaza, Bhopal, Erika : halte à l'impunité des multinationales
1 – L’industrie textile face aux questions éthiques, étude réalisée par www.latelierdecouture.com en partenariat avec Sciences-Po.
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