dimanche 23 juillet 2017

Usager ou SNCF : qui travaille pour qui ?

Les vacances sont là. Nous sommes nombreux à utiliser le train pour rejoindre un lieu de villégiature. Mais...



D'après « Ceux qui m'aiment prendront le OuiGo », Laurent Quessette, revue Transports n° 4

Pour trouver un billet de train à hauteur de bourse, il faut désormais adapter ses voyages aux conditions de remplissage des trains, afin que ceux-ci soient rentables. On est loin du service public. La SNCF l'assure pourtant  : «  nous sommes fiers de notre statut public  ». Et de décliner quelques points de sa ligne de conduite, dont celui-ci : « Vos transports sont notre activité  : nous sommes au service du public.  »

Au service du public, vraiment  ? Laurent Quessette, juriste spécialiste du transport ferroviaire et membre du réseau de chercheurs Ferinter, n'est pas loin de penser exactement l'inverse. Selon lui, la SNCF, en se lançant dans une banale quête de profit, a retourné la logique qui prédominait. 
Désormais, c'est le client qui doit se mettre au service de la SNCF s'il veut voyager, et non l'inverse.

Le salut par la rentabilité

Laurent Quessette situe l'un des tournants pris par l'entreprise en 1971, date à laquelle un décret lui octroya une autonomie de gestion. Dès lors, bien que la notion de « service public » restait inscrite dans ses statuts, elle perdait singulièrement de sa force. La recherche de rentabilité allait s'imposer, et se caractériser par exemple par la fermeture des petites lignes trop déficitaires – en dépit de l'égalité de traitement et de la continuité du service dues aux voyageurs sur l'ensemble du territoire.

L'évolution de la tarification mise en place à la SNCF est caractéristique du franchissement du rubicond opéré par l'entreprise. Finie la tarification au kilomètre, place au «  yield management  »  : empruntée aux compagnies aériennes, cette méthode de fixation du prix du billet repose sur un algorithme brassant en direct divers paramètres (date de réservation, taux de remplissage du train, trajet, etc.) pour fixer les prix billet par billet. L'objectif : optimiser le remplissage des rames et maximiser les profits. 

Externalisation du travail sur les utilisateurs

Avec l'arrivée du low cost, cette logique marchande a effectué un nouveau bon en avant. 
Avec le Ouigo par exemple, le consommateur paie moins cher, mais il doit pour cela renoncer à un certain confort (pas de wagon-bar, 20  % de sièges en plus par wagon, nombre de bagages limités, etc.) Il doit aussi se plier aux exigences de l'entreprise  : se présenter une demi-heure avant le départ, aller sur internet pour réserver son billet… Et même effectuer certaines tâches autrefois dévolues au vendeur  : il doit par exemple imprimer lui-même son billet (ou le télécharger sur son smartphone). 
Cette « externalisation du travail sur les utilisateurs », comme la décrit Laurent Quessette, va encore plus loin avec les TGVPop, une autre trouvaille de la SNCF. En voici le fonctionnement : 15 jours avant la date de départ, les voyageurs peuvent voter pour un trajet. Si le nombre de suffrages est suffisant, ils reçoivent un code par téléphone, trois à quatre jours avant le départ. Ils doivent alors se dépêcher d'aller sur internet pour réserver leur billet à l'aide de ce code car, évidemment, il y a beaucoup plus de votants que de places disponibles… Avec TGV-Pop, les clients travaillent pour assurer un bon remplissage des rames. Mais ils doivent aussi être sacrément souples dans leur organisation personnelle  : ils n'obtiennent jamais la certitude de pouvoir partir plus de trois jours avant le départ. 

D'autres offres proposent aussi des tarifs spéciaux aux personnes qui voyageront sur des strapontins, ou à celles qui acceptent l'éventualité de ne pas avoir de place assise du tout durant le voyage ! 

Des contraintes, du travail, des inégalités de traitement, la possibilité de voyager debout ou de voir son train annulé trois jours avant le départ… L'usager paye (cher) de sa personne pour voyager à moindre coût. 
Quant à la SNCF, elle a, à travers cette politique, tourné le dos à la notion de service public.

«Le service public affranchit, alors que le low cost opprime. Le low cost symbolise le basculement de la société et d'une part importante de la population dans la précarité », analyse Laurent Quessette. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire