dimanche 20 mai 2018

On achève bien les éleveurs...

... ou Résistances à l’industrialisation de l’élevage




Quand éleveurs et chercheurs s'interrogent sur l’industrialisation de l'élevage ...

En décembre 2017 est paru chez l'Echappée On achève bien les éleveurs.

Ce beau livre grand format s'attaque à un sujet important, celui de l'élevage et de notre rapport à celui-ci. Il s’agit d’un recueil d’entretiens (brillamment) illustrés, classés en grands chapitres qui interrogent des domaines aussi variés que la politique agricole du 20ème siècle, les rapports historiques entre humains et animaux, l’agriculture biologique, le puçage des bêtes, l’acte de tuer un animal… 
Les personnes interrogées sont des universitaires, des chercheurs, des éleveurs, des militants, dont les points de vue se complètent ou se font écho.

C'est un dessinateur, Guillaume Trouillard, qui a ouvert les premières pistes de ce qui est devenu On achève bien les éleveurs. C'est lui qui a convaincu de la nécessité d'aborder la question du puçage des bêtes, du contrôle et plus globalement de l'administration du métier d'éleveur… et des résistances à cette lame de fond. C'est encore lui qui a mis en relations la chercheuse Jocelyne Porcher et l'éleveur Xavier Noulhianne. 
Puis Aude Vidal et Cédric Biagini des éditions l'Echappée ont sollicité de nouveaux intervenants:  
- Le chercheur Jean-Pierre Berlan qui, au pic de la crise de l'élevage porcin en Bretagne, décrivait sans ménagement la « techno-servitude » des « exploitants agricoles ». 
- Les éleveurs de la ferme du Pic-Bois – Baptiste Laboureur, Christian Dalmasso, Laurence Ferrini et Thierry Beati – sollicité-es pour leur science de la polyculture-élevage. 
- Fabrice Jaragoyhen, témoin du traitement administratif des crises sanitaires
- Stéphane Dinard, qui abat ses animaux sur la ferme en toute illégalité. 
- Et Christophe Richard, Marion Lorillard... 

Chaque rencontre, dédiée à un aspect de la lutte contre l'industrialisation de l'élevage, a débordé du cadre et a nourri une réflexion plus large sur la spécialisation des activités humaines ou la rupture entre ville et campagne.

Pendant les quatre années qu'a duré l'élaboration de cet ouvrage ont émergé des mouvements de pensée qui combattent la domestication des animaux par les êtres humains ou prônent l'égalité entre espèces (antispécisme). 

Des associations comme L214 alertent le grand public sur le désastre environnemental causé par la surconsommation de viande et de produits d'origine animale. 
Le constat qu'elles font est partagé par les écologistes bon teint comme par les contributeurs et contributrices de ce livre : les productions animales industrielles ont un impact environnemental accablant. 
L'aliment pour le bétail, en particulier le soja, s'échange sur un marché mondialisé. Ces cultures, comme les pâtures, prennent d'assaut les écosystèmes les plus riches de la planète, comme le bassin de l'Amazonie qui subit la déforestation. 
Elles sont trop souvent en concurrence avec l'alimentation humaine : mangeurs et mangeuses de viande, plus solvables que les pauvres des pays du Sud, sont servi-es en premier. 
Les rots des ruminants sont chargés de méthane, un puissant gaz à effet de serre, et ne contribuent pas peu aux désordres climatiques en cours. 
Les usines à animaux, comme celles de cochons en Bretagne, polluent les eaux et produisent des crises sanitaires à répétition.

La question animale n'est cependant pas réductible à la question environnementale et les productions végétales sont soumises aux mêmes logiques prédatrices et destructrices. 
Le problème n'est donc pas tant le type de production, animale ou végétale, que le mode de production, capitaliste et industriel. 
Même si l'impact est démultiplié avec les animaux, il faut se garder d'une « administration du désastre » et éviter de raisonner depuis le point de vue de consommateurs et de consommatrices urbaines en criant haro sur le baudet. 
Nous devons penser l'élevage au cœur d'une réflexion sur l'agriculture, la campagne et ses prairies. Il s'agit de considérer toute la diversité paysagère, donc biologique, que l'on doit à l'élevage, son imbrication avec l'agriculture, tout ce que les animaux apportent en agriculture biologique et la nécessité (sauf à renouveler fondamentalement la manière dont nous cultivons) d'avoir sur une ferme ni trop ni trop peu de bêtes. Car derrière les alertes consensuelles sur l'impact écologique des productions animales avance le refus de toute relation d'élevage.

Dans les milieux écologistes radicaux et anarchistes, l'antispécisme et la condamnation de l'élevage deviennent peu à peu une évidence, au titre de la lutte contre toutes les dominations : celle des hommes sur les femmes mais aussi des blancs sur les personnes de couleur, des adultes sur les enfants, celle enfin des humains sur les animaux. 
De prime abord, lutter contre ces dominations semble une nécessité, morale et politique. Mais, à la réflexion, la réduction des relations entre êtres humains et animaux à un rapport de domination fait perdre de vue le tableau qui est présenté ici : celui de la soumission toujours plus forte de toutes et tous à la société industrielle

Le monde se referme, la liberté cède le pas devant le contrôle systématique, les relations deviennent inhumaines : au fond, ce que nous faisons vivre aux animaux, nous nous l'infligeons à nous-mêmes.

Un point de vue critique de l'industrialisme, pas seulement anticapitaliste, est alors nécessaire. Des éleveurs et éleveuses, des chercheurs et chercheuses l'expriment dans ce livre.

On achève bien les éleveurs, aux Editions l'Echappée, illustré par Guillaume Trouillard - 144 pages, 24 euros -  Paru le 1/12/2017

d'après le blog d'Aude Vidal http://blog.ecologie-politique.eu/post/On-acheve-bien-les-eleveurs 

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