vendredi 15 mai 2015

Faut-il supprimer des fêtes chrétiennes au nom de l'égalité entre les religions ?

MARIE-LUCILE KUBACKI 

www.lavie.fr 27.09.2013
C'est une interview donnée au magazine Challenges par la nouvelle recrue de l'Observatoire de la laïcité à Matignon, Dounia Bouzar, qui relance le débat. Faut-il, au nom de l'égalité entre les religions, supprimer des fêtes chrétiennes pour les remplacer par des fêtes juives et des fêtes musulmanes ? Oui, répond l'anthropologue, qui, de 2003 à 2005, a siégé au Conseil français du Culte musulman, dans ce long entretien consacré au problème de la laïcité dans le monde de l'entreprise  : « Je pense que la France a montré l’exemple de la laïcité au monde en instaurant la première la liberté de conscience, d’avoir la religion de son choix ou de ne pas croire en dieu. Elle doit donc continuer à montrer la voie. Aujourd’hui tous les Français fêtent Noël et je pense qu’il faudrait également qu’un de nos jours fériés soit celui d’une fête juive et d’une fête musulmane. »
Au lieu de remplacer, ne pourrait-on pas ajouter deux jours féries supplémentaires ? Pour Dounia Bouzar, la réponse est non : « Non, on doit remplacer deux fêtes chrétiennes par Yom Kippour et l’Aïd. Le clergé y a longtemps été opposé mais il a évolué et n’y est plus hostile car il y a beaucoup de fêtes chrétiennes. Qu’une fête juive et une fête musulmane devienne une fête pour tous les Français permettrait de combattre le communautarisme et de faire avancer la cause de la laïcité. Aujourd’hui, les français de confession juive ou musulmane sont très mal à l’aise quand ils demandent un jour de congé pour célébrer ces deux fêtes très importantes. On peut le leur refuser pour nécessité de service. »
Ce n'est pas l'opinion d'Abdalla Zekri président de l'Observatoire contre l'islamophobie et membre du bureau exécutif du Conseil français du culte musulman, qui, interrogé par Le Figaro, se dit opposé à cette idée. « Il est tout à fait normal de penser aux autres communautés, indique-t-il. Mais il faut juste rajouter deux jours fériés. Et non remplacer des jours. Sinon on va encore dire “Ils veulent déshabiller Pierre pour habiller Mohammed”…» De son côté, l'abbé Grosjean s'oppose lui aussi à la proposition : « Ce calendrier est le fruit d'une histoire, d'une culture, un reflet de ces racines chrétiennes qui font partie de notre patrimoine »
Président du Parti chrétien démocrate (PCD), Charles-Henri Jamin n'a pas tardé à réagir : « La laïcité n’est pas l’effacement de la religion chrétienne ni sa substitution par une autre religion ! Choisir de retirer une fête chrétienne, c’est choisir de l’effacer du calendrier, donc d’instaurer une ignorance toujours plus grande de cette religion : or, méconnaitre le fait chrétien, c’est méconnaitre notre culture ! Allez visiter les grands musées nationaux sans savoir à quoi correspondent les événements célébrés lors des fêtes chrétiennes : une grande majorité d’œuvres échapperont à votre compréhension. De même, sans connaissance de cette religion, de nombreux éléments de l’Histoire de France vous demeureront totalement obscurs. La France ne doit pas oublier qu’elle a une culture, des racines, une histoire : c’est ce que les fêtes chrétiennes nous rappellent. La valeur symbolique de la célébration des fêtes chrétiennes ne doit pas être oubliée. »
La polémique n'est pas nouvelle. En février 2013, Jacques Attali avait déjà proposé de laïciser les fêtes chrétiennes en renommant Noël et Pâques « fête des enfants » et « fête de la liberté »... Une proposition qui avait fait jaser les utilisateurs du réseau Twitter derrière le hashtag (mot-clé)#DélireCommeAttali. En juillet 2012, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) avait suscité un tollé en proposant de « déconfessionnaliser » certains jours fériés correspondant à des fêtes chrétiennes afin que les salariés aient le choix de prendre leurs journées à d'autres moments de l'année. Le but était de faciliter la gestion du personnel non-chrétien. En janvier 2012, Eva Joly, alors candidate Europe-Ecologie-les Verts à la présidence de la République, avait proposé un jour férié pour Kippour et un pour l'Aïd-el-Kebir. En 2010, le maire de Paris Bertrand Delanoë, s'était lui  aussi prononcé pour le remplacement de deux fêtes chrétiennes par une fête juive et une fête musulmane.
Devant l'incendie qu'elle a allumé, Dounia Bouzar a modéré ses propos en expliquant qu'il s'agissait d'une « idée » et non d'une « proposition ».

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