samedi 27 février 2016

COP21 : et après ?

(d'après http://energie-climat.greenpeace.fr/ 28 janvier 2016)

La COP21 aura vu naître l’accord de Paris, au mois de décembre 2015. Pour autant, nombreuses sont les étapes qui restent à franchir avant qu’il soit réellement ratifié puis mis en œuvre. Quelques éclaircissements.

Le climat n’est pas sauvé…

L’accord de Paris n’est ni un désastre, ni à proprement parler un succès pour le climat. Rappelons qu’il ne mentionne ni les énergies fossiles, ni des secteurs industriels entiers, comme les transports aérien et maritime (au moins 10% des émissions mondiales) et qu’il n’écarte pas les fausses solutions, comme le nucléaire, les mécanismes de stockage de carbone et la géoingénierie. Il est très faiblement contraignant et ne propose pas d’aller plus loin que les contributions nationales actuelles de chaque pays (INDC) en matière de réduction des émissions, ce qui nous laisse sur une trajectoire de 3°C supplémentaires d’ici la fin du siècle – alors qu’il mentionne ailleurs comme objectif de s’en tenir à une hausse de 1,5°C.
En outre, si la COP21 a été l’occasion de faire émerger puis rayonner plus largement l’objectif de parvenir à 100% d’énergies renouvelables en 2050, il n’a pour autant pas été mentionné dans le texte de l’accord.
Des contradictions qui prennent donc les allures d’une procrastination assez peu responsable : nous n’avons pas encore atteint les +1°C que déjà se multiplient les épisodes climatiques dramatiques tout autour de la planète. Les inondations records de Londres cet hiver sont là pour nous rappeler que les pays pauvres et les îles ne sont plus les seuls territoires exposés. L’accord de Paris n’empêchera donc pas de lui-même la montée du niveau des mers, la salinisation des terres arables et les sécheresses, ni l’insécurité alimentaire, les déplacements de population et les tensions sociales qui en résultent…

… mais l’histoire va dans le bon sens

Pour autant, dans un contexte de repli national lié à l’expansion du terrorisme, cet accord, accepté par 195 parties et l’Union européenne, est un signal géopolitique important. Il contient notamment tout un langage qui traduit la volonté des Etats de lutter de concert contre le dérèglement climatique – un fait relativement nouveau et pour le moins encourageant. En cela, l’accord de Paris est un instrument dont doivent s’emparer tous ceux qui défendent l’environnement pour mettre la pression sur les gouvernements et les acteurs économiques et empêcher les projets climaticides.
D’autant que la conférence onusienne a été l’occasion de vérifier la mobilisation d’une vaste frange de la société civile, à Paris malgré les restrictions liées à l’Etat d’urgence, mais aussi tout autour de la planète.
L’accord de Paris ouvre ainsi un agenda officiel pour le climat et contribue à légitimer très largement les mobilisations pour l’environnement. Il donne de nouvelles bornes aux discours et à l’action politiques.

Quelles suites ?

D’abord, la présidence française de la COP n’est pas officiellement terminée : elle court jusqu’en novembre 2016, date à laquelle une nouvelle conférence sera convoquée au Maroc. Entre-temps, il revient donc à la présidence française de veiller aux suites de l’accord et de s’assurer de sa ratification et de sa mise en œuvre.
En décembre dernier, les parties se sont également mises d’accord sur les étapes nécessaires avant la mise en œuvre de l’accord et sur les procédures à suivre. Elles doivent désormais le signer puis le ratifier pour indiquer clairement qu’elles sont liées par celui-ci.

55, le chiffre magique

Or pour que l’accord de Paris prenne effet officiellement et devienne juridiquement contraignant, il faut d’une part qu’au moins 55 des parties présentes à Paris le ratifie, et que ces 55 parties représentent au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Une fois passée cette étape se tiendra la première conférence des parties de l’accord de Paris, afin de décider de règles nettement plus détaillées concernant la mise en œuvre de l’accord. Mais d’ores et déjà, au mois de mai se tiendra une intersession classique à Bonn pour faire le point sur les avancées en cours.

Quel calendrier ?

Le 22 avril 2016, une cérémonie des Nations unies aura lieu à New York, pendant laquelle les chefs d’Etat auront l’occasion de signer l’accord. La signature de l’accord sera ensuite ouverte pendant un an à compter de cette date.
Mais pour la plupart des pays, il ne s’agira pas encore d’une ratification complète : plutôt d’une sorte de “bon pour ratification”. En effet, la plupart des signatures devraient être accompagnées de la mention : “ Sujet à ratification, acceptation et approbation”. Pourquoi ? Parce que pour la plupart des pays, il faudra par la suite obtenir un feu vert national, à savoir un vote du Parlement.
Ces processus varient selon les pays. Pour certains d’entre eux, il va falloir voter de nouvelles lois. Pour d’autres, il s’agira simplement d’amendements législatifs introduits sur ordre de l’exécutif. En fait, cela dépend de la structure institutionnelle et des règles constitutionnelles de chaque pays. Pour l’Australie par exemple, il s’agit d’une simple notification formelle au Parlement, tandis qu’au Mexique, l’approbation du Sénat est requise. 
Concernant les Etats-Unis, qui ont beaucoup fait parler d’eux pendant la COP21 sur ce sujet, l’autorité du président suffit pour la ratification (notamment parce que l’accord de Paris ne contient pas, comme le souhaitait la délégation américaine, un langage juridiquement contraignant, et que les contributions nationales chiffrées sur lesquelles s’engagent les Etats sont laissées à leur seul bon vouloir).
Pour rappel : la France est une partie en tant que telle, mais elle est également représentée par l’Union européenne. Celle-ci pourra ratifier l’accord en tant que groupe, en passant par ses instances représentatives, une fois que tous les Etats membres l’auront eux-mêmes ratifié.

Que faire ?

En dehors de ce processus officiel, il revient à la France d’adopter les lois et de mettre en œuvre les politiques publiques nécessaires à la lutte contre le dérèglement climatique, notamment en matière de transition énergétique. Pour l’instant, fort peu de décrets d’application émanant de la loi sur la transition énergétique adoptée l’année dernière ont été promulgués. Le retard s’accumule.
Cette année, une programmation pluriannuelle de l’énergie doit également être adoptée, subséquemment à la loi sur la transition énergétique. Il faudra veiller à ce qu’elle fasse la part belle aux énergies renouvelables. Rappelons qu’en 2015, 1073MW d’énergie éolienne ont été raccordés au réseau en un an. Or il faudrait atteindre 1800MW/an en 2018 au plus tard pour réduire la part du nucléaire à 50% en 2025, comme le prévoit la loi.

Plus que jamais, il faut donc que la société civile reste en mouvement afin de maintenir la dynamique pour le climat, dans le sillage de l’accord de Paris. Pour que la France prenne ses responsabilités et ne se borne pas à l’autosatisfaction diplomatique, il faut maintenant des actes. 
D’autant que pour l’instant, le gouvernement ne semble pas trop s’encombrer de cohérence écologique. La justice vient en effet d’autoriser les expulsions de la Zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame des Landes, où un aéroport coûteux et inutile doit être construit au détriment d’une précieuse zone humide. Un projet climaticide supplémentaire.
La question du climat n’est donc pas pliée parce que des délégations internationales se sont mises d’accord sur un texte général. Il faut continuer d’agir concrètement au niveau local, régional, national et international. Mixer les échelles et multiplier (et faire converger) les luttes. 
Faire en sorte de donner le rythme pour que les décideurs soient contraints de suivre les aspirations écologiques portées par la société civile et respectent enfin les belles paroles prononcées pendant la COP21.

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