mercredi 5 mars 2014

"Putain de tracteur"

Quand allons nous payer les denrées alimentaires à leur juste prix pour permettre aux producteurs de vivre décemment et de protéger leur dignité?

Combien de producteurs depuis ces dernières années se sont donnés la mort par désespérance d’un système qui les méprise. La vente à perte comme seul horizon. Des normes imposées par  Bruxelles au nom du libre échange et de la dérégulation des prix. On parle d’industrialisation, de rendement de l’agriculture, sans respect pour ces hommes et  ces femmes qui travaillent déjà sept jours sur sept sans pouvoir gagner leur vie et celle de leur famille. Agrandissement des fermes, agrandissement de la précarité! Le problème n'est pas seulement breton.
Un agriculteur se donne la mort chaque jour en France. Il y a les chiffres, les statistiques.  Et puis il y a eu un SMS... Séverine Breton, Journaliste France 3 Bretagne
"Je suis journaliste à France 3 Bretagne, dans la région la plus agricole de France, alors le suicide des agriculteurs, je connais, ou plutôt je croyais connaître.
J’avais en tête toutes les statistiques, un agriculteur se donne la mort chaque jour en France;  toutes les raisons évoquées par les professionnels de la médecine ou de la sociologie.

Et puis il y a eu un SMS :

« Je voulais te prévenir que G. s’est suicidé ce matin »

Au téléphone tout de suite ses copains me parlent du tracteur qui venait de tomber en panne, de contrôle PAC…  et je devine derrière, la fin des quotas qui s’annonce, la peur de demain…

On avait rencontré G. il y a 4 ans, en pleine grève du lait. On avait passé quelques jours dans sa ferme à aller chercher les vaches aux champs, faire les traites, matin et soir, nourrir les bêtes, et surtout à parler…
Il racontait son envie de se battre, son métier ! Le plus beau du monde disait il, nourrir les gens avec du lait, l’or blanc ! Et ses yeux brillaient !

Il n’était pas seul… se savait aimé…

Mais il y a eu le SMS !


Alors oui, les médecins parlent de la solitude de l’agriculteur dans sa ferme, de la difficulté à se confier.
Les sociologues racontent la pression des banques, des coopératives, de la société…
Les syndicats, les politiques, les médias alertent, disent et répètent qu’il y a un problème de désespérance, de pertes de repères… qu’il faut agir !

Mais on oublie tous que derrière les mots, les statistiques, il y a un souffle qui s’arrête, des cris, des larmes…

Et puis il y a le SMS !


Cette semaine, à Paris, l’agriculteur est en fête… on parle de l’élevage de demain…
Le printemps est bientôt là… et G. ne le verra pas… putain de tracteur !"

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