vendredi 18 juillet 2014

le centenaire de l'impôt sur le revenu

(d'après Médiapart du 17 juillet)
Instauré par la loi du 15 juillet 1914, l’impôt sur le revenu vient juste d’avoir cent ans. S'il est oublié du cérémonial du centenaire de la Grande guerre, c'est peut-être parce que la politique fiscale conduite aujourd'hui s'écarte des principes qui ont présidé à la naissance du plus célèbre des impôts français.

La source première de l'impôt sur le revenu se trouve dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, dans son article 13: « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » En clair, la République considère qu’un impôt progressif fait partie de ses valeurs fondatrices.
L’impôt sur le revenu (IR) a connu de multiples évolutions et a été au cœur de nombreux débats. Il s’appuie sur deux principes majeurs :
  • le caractère déclaratif de toutes les catégories de revenus au sein du foyer fiscal et 
  • la progressivité des taux du barème. 
Avec l’introduction du quotient familial en 1945, il prend sa forme contemporaine. La période d’après-guerre jusqu'en 1980 voit le poids de l’impôt sur le revenu augmenter pour atteindre 5,6 % du PIB. Entre 1914 et 1986, le taux marginal supérieur dépasse généralement 60 %.

Après être monté en puissance jusqu’au début des années 1980, l’impôt sur le revenu a ensuite été progressivement démantelé. A compter de 1986, la diminution du nombre de tranches, la baisse des taux marginaux et le développement des « réductions d’impôt »s’accompagnent d’une diminution des recettes de l’impôt sur le revenu, qui ne  représentent plus en 2009 que 2,4% du PIB. 

Cette baisse tendancielle de l’impôt sur le revenu ne s’est pas accompagnée d’une baisse des prélèvements obligatoires mais plutôt d’un basculement vers d’autres prélèvements, notamment la Contribution Sociale Généralisée (CSG). 


Pour bien prendre la mesure de l'abîme qui existe entre l'impôt sur le revenu tel qu'il était conçu en 1914 et tel qu'on le connait maintenantécoutons Jean Jaurès dans un discours prononcé le 24 octobre 1913 à Limoges :

« Oui, nous voterons tous énergiquement, passionnément pour instituer l’impôt général et progressif sur le revenu, sur le capitalisme et sur la plus-value avec déclaration contrôlée. Nous le voterons parce que, quelle que soit la répercussion possible, et il en est toujours, les impôts ainsi établis sur le grand revenu et le grand capital sont moins fatalement répartis et pèsent moins brutalement sur la masse que les impôts indirects qui atteignent directement le consommateur ou le paysan sur sa terre et sur son sillon. Nous le voterons donc et nous le voterons aussi parce qu’il serait scandaleux, je dirais, parce qu’il serait humiliant et flétrissant pour la France qu’à l’heure des crises nationales, quand on allègue le péril de la patrie, la bourgeoisie française refuse les sacrifices qu’a consentis la bourgeoisie d’Angleterre et la bourgeoisie d’Allemagne. »
Jean Jaurès se rallie au projet d'impôt sur le revenu présenté par le parti radical, mais il aurait aimé aller plus loin: 
 « (...)nous voterons l’impôt sur le revenu, mais il faut qu’il soit bien entendu que ce n’est pas ainsi que nous l’avions conçu, que ce n’est pas à cette fin que nous l’avions destiné. Nous voulions qu’avant tout, l’impôt progressif et global servît à dégrever les petits paysans, les petits patentés, de la charge trop lourde qui pèse sur leurs épaules. (…) Voilà à quoi nous destinions le produit de ces grands impôts sur la fortune, sur le revenu et sur le capital. Par là, nous ne servions pas seulement la masse des salariés, des travailleurs, mais aussi la production nationale elle-même, car à mesure que la masse gagnera en bien-être, la force de consommation s’accroîtra et, par suite, le débouché intérieur le plus vaste, le plus profond et le plus sûr sera ouvert à la production elle-même. »

Tout y est, injustice des impôts indirects, nécessité d'un impôt sur le capital, relance par la consommation...

Un siècle plus tard, le bilan est plutôt consternant.


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